La thérapie EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) a été largement validée pour son efficacité à soigner l’Etat de Stress Post Traumatique (ESPT), une des formes les plus connues de traumatisme. En 2007, un article de la revue Stress et Trauma faisait état de 15 études contrôlées et randomisées attestant de l’efficacité de l’EMDR dans le soin de l’ESPT. Cette thérapie bénéficiait de plus de 12 recommandations internationales, avec celle de l’OMS en Juillet 2012. En France, une étude Inserm (2004), et la Haute Autorité de Santé (2007) recommandaient son utilisation. Depuis bientôt 30 ans, la recherche étudie l’EMDR. Et aujourd’hui on sait que son efficacité touche un champs bien plus large que celui de l’ESPT.
Tout d’abord dans son protocole et dans sa façon de résoudre la problématique traumatique. Résumons ici son modus operandi : penser à un souvenir douloureux, l’évaluer par des questions spécifiques, se concentrer sur les éléments saillants et appliquer des stimulations bilatérales alternées ( mouvements oculaires, tapotements sur les genoux, ou bip bip sonore). Répéter le process en alternant les pauses et les stimulations, et au bout d’un certain temps, le souvenir devient aussi banal que votre dernier repas (même s’il était exceptionnel). Presque miraculeux. Mais plus simplement physiologique.
Le deuxième aspect révolutionnaire, c’est son modèle théorique, le modèle explicatif de son efficacité. Ce modèle a été nommé Traitement Adaptatif de l’Information (T.A.I).
Francine Shapiro, Fondatrice de la Thérapie EMDR
“Les éléments procéduraux de l’EMDR, incluant les stimuli d’attention double, déclenchent un état physiologique qui active le système de traitement de l’information” Francine Shapiro, Manuel d’EMDR, p.39
Le Traitement Adaptatif de l’Information
Tout en créant le protocole EMDR, sa fondatrice, Francine Shapiro a aussi élaboré des fondements théoriques pour expliquer les effets et l’efficacité de l’EMDR. Car c’est bien beau de parvenir à traiter les traumatismes de façon aussi rapide, systématique et profonde. Alors qu’aucun traitement auparavant n’avait su le faire. Encore faut-il comprendre comment on a obtenu ce résultat. Sans cela, on risque ne pas pouvoir le reproduire, et perdre toute dimension scientifique.
Affinons maintenant notre compréhension du T.A.I. Si l’on est capable, de façon naturelle, d’auto-traiter des souvenirs douloureux, il arrive malheureusement que le système de traitement ne fonctionne pas correctement. Et au lieu de traiter le souvenir de façon adaptée, il va être stocké de façon dysfonctionnelle. C’est ce type de stockage inadapté qui va ensuite générer des symptômes et troubles mentaux comme l’ESPT, les douleurs chroniques, les addictions, et bien d’autres. On parle aussi de défaut d’intégration de la mémoire.
Travailler le souvenir dysfonctionnel en EMDR, c’est lui redonner sa dimension fonctionnelle. C’est réactiver le système d’auto-guérison. C’est mettre le passé à sa place, dans vos tiroirs à souvenirs. En finir enfin avec une lutte interne qui n’a pas de sens, juste de la souffrance. Et ensuite, les symptômes disparaissent. Par effet d’autorégulation. Car le système de traitement peut à nouveau fonctionner normalement, et n’a plu besoin de gérer des informations dysfonctionnelles.
Avec ce modèle théorique, les conséquences sont lourdes. Il place en effet les souvenirs et la qualité de leur traitement au coeur du processus psychopathologique. Et du même coup, au coeur de notre santé mentale. Les mémoires dysfonctionnelles formeraient la base de futures réponses inadaptées, car les perceptions de la vie courante deviendraient alors déformées, biaisées par ces mémoires dysfonctionnelles. Un principe clé du T.AI est que ce sont les souvenirs non intégrés et stockés de façon dysfonctionnelle qui forment les bases de la psychopathologie. Les souvenirs peuvent donc être pathogènes, créateurs de maladies.
Pourquoi le T.A.I échoue-t-il parfois ?
L’intégration, c’est-à-dire comment notre système nerveux peut traiter, digérer, métaboliser, transformer toutes les informations qui sont à sa portée, est la clé de notre santé mentale. Je le vérifie quotidiennement dans mon cabinet, 5 patients par jour, 5 jours par semaines, 40 semaines par an, depuis 7 ans (soit 7000 fois… Ce n’est plus du “hasard” là, si ?)
D’après l’article “The AIP Model of EMDR Therapy and Pathogenic Memories” – Michael Hase, Ute M. Balmaceda, Luca Ostacoli, Peter Liebermann and Arne Hofmann – Septembre 2017