Un an et demi après le début de la crise sanitaire, les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie ont mis en évidence, dans le débat public, les troubles psychiques dont souffrent de plus en plus d’individus. Solitude, anxiété, dépression : les dix-huit mois qui viennent de s’écouler ont eu un effet délétère sur le moral des citoyens, dont 32% ont vu leur état mental se détériorer au cours de la pandémie(1).
Les entreprises, bousculées par les nouvelles aspirations de leurs employés, ne peuvent plus détourner les yeux de la situation et agir comme si le bien-être de leurs collaborateurs était une question relevant uniquement de la sphère privée. Plus que jamais, elles ont pour responsabilité de faire vivre en leur sein une culture positive et bienveillante. Et pour cela, elles peuvent utilement s’appuyer sur les nouveaux outils qui ont déjà permis leur résilience au cours de l’année passée.
Du « customer first » à la symétrie des attentions
Depuis que les géants du numérique ont redéfini les standards du commerce, l’ « expérience client » parfaite est érigée en Saint Graal auquel toutes les organisations rêvent de parvenir. A tel point que pendant longtemps, son pendant interne, l’expérience employé, était le parent pauvre des entreprises. Certes, ces dernières ont toujours tenu à soigner leur marque employeur : d’après une étude mondiale réalisée par le cabinet Gartner, elles ont dépensé en moyenne 2420 dollars par employé en 2019 dans les initiatives en faveur des collaborateurs. Mais faute d’une véritable écoute et surtout d’un plan d’action personnalisé, seuls 13% d’entre eux ont indiqué être totalement satisfaits de leur expérience au travail.
En 2021, alors que le sentiment d’appartenance à l’entreprise est sérieusement battu en brèche par le travail à distance, la “symétrie des attentions” est devenue la règle, et le bien-être des employés la nouvelle prérogative des entreprises. En effet, étant données les nouvelles organisations du travail, en particulier le travail à distance, beaucoup d’individus ressentent le manque d’un environnement familier et convivial. Cela pose de nouveaux défis pour les employeurs, qui, de fait, cherchent à recréer cet environnement et à faire vivre une culture positive dans et hors les murs. Ces attentions peuvent prendre une forme diverse : congés supplémentaires, sensibilisation des employés au bien-être au travail, formation spécifique des managers sur la santé mentale… Aux grands défis, les grands
moyens !
Les problèmes de santé mentale ne sont plus des tabous
En conséquence, les troubles de santé mentale ne sont plus des sujets tabous, y compris lorsqu’ils pénètrent la sphère professionnelle. Or, pendant longtemps, le burnout était une maladie quasi honteuse et de manière générale, tout aveu de faiblesse même passagère était frappé du sceau de la suspicion. Pire : dans une vision du monde « où tout repose sur le mérite, l’effort et la persévérance des individus »(2), ceux-ci étaient considérés comme responsables de leur bonheur… Et donc de leur malheur.
Fort heureusement, les entreprises commencent à revenir de cette conception très individualiste du monde. Elles sont en cela aidées par des représentations populaires qui s’attaquent aux vieilles idées reçues, notamment les célébrités parlant ouvertement de leurs troubles anxieux ou dépressifs. Il faut dire que par ailleurs, depuis le premier confinement, les employés font face à de nouveaux risques psychosociaux, dont leurs employeurs ne peuvent faire abstraction. Ainsi, il a été démontré que le télétravail pouvait accentuer le sentiment d’épuisement, a fortiori quand les limites entre vie professionnelle et personnelle sont brouillées. Et ce n’est pas le droit à la connexion, pas toujours applicable, qui pourra être d’un grand secours.
Le numérique au service des employés
Les employeurs n’ont pas la baguette magique qui permettrait de résoudre tous les problèmes de leurs employés. Du moins disposent-ils aujourd’hui de plus de moyens de se mettre à leur écoute et d’oeuvrer à leur bien-être. Si le numérique a une vertu, c’est bien de faciliter les échanges !
Ainsi, plusieurs grands groupes mettent à disposition de leurs salariés un certain nombre d’applications qui leur proposent de cartographier leur état de santé mentale et, le cas échéant, de suivre un programme personnalisé de thérapie digitale. Entre autres dispositifs, il est également possible – et facile ! – d’organiser des webinaires en ligne pour sensibiliser sur des sujets tels que l’épuisement professionnel ou la gestion du stress.
Tous ces services ont été reconnus comme utiles pour promouvoir la santé mentale(3). Il est grand temps aujourd’hui de les généraliser pour offrir aux salariés un environnement de travail conforme à leurs attentes, et aux exigences du « monde d’après ».
1 Rapport Axa sur la santé mentale – septembre 2021
2 Edgar Cabanas et Eva Illouz, Happycratie
3 Rapport Axa sur la santé mentale