L’efficacité des vaccins est moins élevée chez les personnes âgées et ce phénomène reste, pour l’instant, largement incompris. Des scientifiques européens se sont fixés pour objectif de comprendre les raisons de ce déclin immunitaire et de mettre en place des stratégies permettant d’obtenir des vaccins qui donnent de bons résultats quelle que soit la tranche d’âges.
Les vaccins sont bien moins efficaces chez les personnes âgées que chez les jeunes. Le risque de contracter une infection grave augmente donc en prenant de l’âge, un constat qui s’est largement vérifié durant la pandémie de Covid-19.
On connaît peu les raisons de cette baisse d’efficacité des vaccins et des scientifiques cherchent à mettre au point une nouvelle génération de vaccins et de stratégies de vaccination offrant la même protection à toutes les étapes de la vie.
Les scientifiques ont besoin de comprendre pourquoi les défenses naturelles d’une personne face à un micro-organisme invasif s’amenuisent avec l’âge, dans un processus appelé « immunosénescence ».
« Nous savons que le système immunitaire évolue avec l’âge et que ce phénomène a d’énormes conséquences sur la santé et la détérioration liée au vieillissement », a déclaré Debbie Van Baarle, professeure d’immunologie de la vaccination à l’University Medical Centre Groningen et au Centre for Infectious Disease Control, aux Pays-Bas. « Mais on sait bien peu de choses sur l’étendue et la nature précise de ces changements, ainsi que sur ce que l’on peut apprendre pour améliorer les vaccins. »
« Si nous avions plus d’informations, nous pourrions mieux adapter les vaccins à chaque patient et à chaque étape de la vie. »
Immunosénescence
Le système immunitaire humain est extrêmement complexe : un ensemble de molécules et de cellules spécialisées travaillent ensemble pour combattre l'infection et ramener le corps à un état d'équilibre (un phénomène appelé « homéostasie ») après un problème de santé. Les chercheurs en immunosénescence étudient la façon dont cette interaction entre les cellules et les molécules évolue avec l'âge.
La professeure Van Baarle est directrice scientifique de VITAL, un projet Innovative Medicines Initiative qui s’attache à apporter des connaissances fondées sur des preuves pour mettre au point des stratégies de vaccination ciblées et efficaces chez les seniors. Les chercheurs espèrent comprendre quels facteurs font obstacle aux réponses immunitaires des individus lorsqu’ils vieillissent.
« Si nous découvrons que, passé un certain âge, une certaine partie du système immunitaire ne répond pas très bien aux vaccins, nous devrons nous demander à quoi cela est dû », a ajouté la professeure Van Baarle.
« Par exemple, devons-nous préparer le système immunitaire lorsqu’il est encore performant, lorsque l’individu est encore jeune ? », demande-t-elle. « Devrions-nous utiliser une technologie de vaccination différente pour les personnes âgées ou d’autres adjuvants (substances ajoutées au vaccin pour déclencher la réponse immunitaire) pour les personnes d’un certain groupe d’âges. »
Améliorer la réponse immunitaire
Dans le cadre de l’étude de la professeure Van Baarle, des volontaires âgés de 25 à 90 ans ont fait don d’échantillons de sang après avoir reçu une dose de vaccin contre la grippe puis contre les pneumocoques. Des chercheurs sont en train d’analyser ces échantillons pour observer la réponse immunitaire à plusieurs niveaux et identifier les modèles de changements liés à l’âge au niveau des molécules (anticorps) et des cellules (dont certaines produisent des anticorps) qui ont le plus d’impact sur la réponse immunitaire d’une personne.
« Nous sommes à la recherche de facteurs qui pourraient servir à identifier les personnes qui répondent moins bien aux vaccins classiques afin de déterminer qui aurait avantage à recevoir un autre type de vaccin », a déclaré la professeure Van Baarle.
Vaccins sur-mesure
« Dans un monde parfait, les systèmes de santé proposeront un jour une vaccination personnalisée. Nous irons chez notre médecin de famille, qui nous posera plusieurs questions telles que ’Quel âge avez-vous ?’, indique la professeure Van Baarle. ’Quelles sont vos comorbidités ? Quel est votre profil immunologique ? Quels sont les risques associés à votre mode de vie ?’ »
En fonction de ces informations, dans un avenir idéal, un médecin décidera du protocole de vaccination le mieux adapté aux besoins d’une personne.
L’équipe du projet VITAL étudie aussi l’impact économique de la gestion actuelle des maladies infectieuses chez les seniors. Elle élaborera des outils mathématiques permettant de prévoir comment ces coûts pourraient évoluer si des mesures de prévention (comme de nouveaux vaccins) étaient prises.
Ces outils seront mis à la disposition des décideurs afin qu’ils puissent connaître la prédisposition de la population à une infection donnée, y compris à une nouvelle pandémie. Ceci contribuera aussi à améliorer la préparation aux épidémies. L’objectif de chaque nation est d’obtenir le meilleur résultat possible sur le plan de la santé en fonction de son budget et de ses tendances démographiques.
Aujourd’hui, chaque pays d’Europe élabore son propre calendrier de vaccination. Certains pays invitent par exemple les personnes de plus de 60 ans à faire leur rappel contre la varicelle-zona afin qu’ils aient moins de risques d’attraper un zona.
« Mais quelle que soit la politique de vaccination considérée comme la plus adaptée par un pays pour sa population, les décisions doivent reposer sur des données scientifiques et la communication avec les professionnels de santé et les patients doit être solidement étayée », ajoute la professeure Van Baarle.
Cibles thérapeutiques
Le projet ImmunoAgeing cherche les facteurs responsables de l’absence de réponse immunitaire chez les personnes âgées. Les chercheurs s’attachent à identifier des « cibles thérapeutiques » dans le corps humain, c’est-à-dire des cellules ou molécules qui pourraient être inhibées ou stimulées afin de renforcer l’immunité de la personne âgée.
« L’objectif principal de notre étude est d’atténuer les effets néfastes du vieillissement sur le système immunitaire et de favoriser un vieillissement sain », a précisé la professeure Cucca, coordinatrice d’ImmunoAgeing et médecin généticienne à l’Université de Sassari en Sardaigne, Italie. « En identifiant les liens entre des types de cellules spécifiques (du système immunitaire), des maladies et des gènes, nous pouvons trouver des moyens d’aider les seniors à mieux combattre les agents pathogènes. »
L’étude de la professeure Cucca examine également deux phénomènes biologiques dont on sait qu’ils augmentent avec l’âge et nuisent à la santé de la personne : l’autoréactivité (lorsque le corps d’une personne déclenche une réponse immunitaire contre ses propres cellules ou tissus) et l’inflammation (inflammation modérée chronique sans cause connue).
« De manière générale, la nature de tous ces changements occasionnés par le vieillissement, ainsi que leurs causes génétiques et biologiques, restent largement méconnues », indique la professeure Cucca. « Notre but est de comprendre quelle est la relation entre des cellules et molécules spécifiques et la compétence fonctionnelle du système immunitaire, ainsi que les facteurs génétiques et non génétiques qui favorisent ces changements ».
Une première série d'analyses a donné des résultats prometteurs, les chercheurs ayant identifié 16 molécules du système immunitaire qui pourraient servir de « cibles thérapeutiques » pour améliorer l’immunité des personnes âgées. Par la suite, douze de ces cibles pourraient être traitées à l’aide de médicaments déjà utilisés pour soigner d'autres affections non liées.
Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE. Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.