Le suicide n’épargne aucune génération, mais certaines catégories de la population y sont plus vulnérables que d’autres. Le 6e rapport de l’Observatoire national du suicide, publié le 25 février 2025 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), révèle des chiffres inquiétants. Après un ralentissement dans les années 1980 et une stagnation en 2020, le nombre de suicides augmente de nouveau en France.
Forte hausse des suicides : qui sont les plus vulnérables ?

Les seniors hommes les plus touchés
Les chiffres du rapport de la DREES montrent que les hommes âgés sont de loin les plus exposés au suicide. En 2022, le taux de suicide des 85-94 ans atteint 35,2 pour 100 000 habitants, soit trois fois plus que la moyenne nationale. Chez les hommes de plus de 85 ans, le taux explose à 86 pour 100 000, une hausse marquée par rapport aux 77 pour 100 000 enregistrés en 2021.
La DREES identifie plusieurs facteurs de risque. L’entrée en EHPAD, qui constitue un tournant critique pour ces personnes du fait qu'elle soit souvent vécue comme une perte de contrôle et d’autonomie. Le rapport souligne que la fragilité sociale et psychologique des hommes âgés est un facteur aggravant : « Les comportements suicidaires des hommes âgés surviennent généralement lorsqu’ils subissent une perte de pouvoir décisionnel, à la fois sur leur épouse et sur leur quotidien ». L’isolement social et le veuvage jouent également un rôle majeur. Et contrairement aux jeunes, les tentatives de suicide chez les seniors aboutissent bien plus souvent à un décès en raison de la létalité des moyens employés, souligne encore le rapport.
Les jeunes femmes de plus en plus concernées
Si les hommes âgés sont les plus touchés en termes de mortalité, les jeunes femmes subissent une autre forme de crise, marquée par une explosion des hospitalisations pour gestes auto-infligés (GAI). En 2023, 516 adolescentes de 15 à 19 ans sur 100 000 ont été hospitalisées après un acte auto-infligé, une augmentation de 46 % depuis 2017. Leur taux de suicide reste plus bas que celui des hommes, mais celui-ci progresse néanmoins à une vitesse inquiétante : il a augmenté de 40 % entre 2020 et 2022, passant de 1,15 à 1,60 pour 100 000, alertent l'observatoire national du suicide et la Drees.
Le rapport identifie plusieurs facteurs expliquant cette hausse. « L'augmentation des pensées suicidaires et des syndromes dépressifs chez une minorité importante d’adolescentes et de jeunes femmes depuis 2014 » est un facteur clé, exacerbé par la crise du Covid-19, qui a marqué le début de l'augmentation des suicides en France en 2020. À cela s'ajoute l'exposition aux violences sexistes et sexuelles, ainsi que l'explosion des réseaux sociaux, notamment en raison de la pression sociale liée à l'image du corps.
Une prévention insuffisante
Selon la DREES, le nombre de suicides en France a augmenté de 3,3 % en 2022, atteignant 9 200 décès, soit un taux de 13,3 suicides pour 100 000 habitants, contre 13,0 en 2021 et 13,1 en 2020. Malgré les efforts des autorités sanitaires, les dispositifs en place n'arrivent pas à enrayer cette mauvaise tendance. Les experts en santé mentale pointent clairement du doigt un manque de moyens pour prévenir et accompagner les personnes en détresse. Chez les jeunes, la prise en charge des troubles psychiques est largement insuffisante. Le rapport met en lumière un manque flagrant de psychiatres et de structures adaptées qui rendent l’accès aux soins compliqué pour les adolescents et les jeunes adultes.
Chez les personnes âgées, le tabou autour de la dépression sénile bloque toute stratégie de prévention efficace. L’isolement des seniors et la méconnaissance des signes avant-coureurs par leurs proches et le personnel médical ne font qu'aggraver la situation, s'inquiète la Drees.
Quelle réponse face à cette hausse des suicides ?
Face à ces chiffres alarmants, la DREES appelle à une intensification des mesures de prévention. Le rapport recommande ainsi une meilleure prise en charge des troubles psychiatriques dès le plus jeune âge et une formation accrue des professionnels de santé pour repérer les signes avant-coureurs. La DREES recommande par ailleurs un meilleur accès aux soins, en particulier pour les catégories de population les plus vulnérables, à savoir les jeunes femmes et les seniors.
Le débat sur l’aide active à mourir (AAM) s’invite également dans la réflexion des experts. La DREES met en avant les pays où cette pratique est légalisée, arguant que certaines études montrent qu’elle n’a pas d’effet sur le taux global de suicide, mais qu’elle peut, dans certains cas, permettre « une prise en charge du mal-être et une revitalisation des patients ».