Avec la validation du Nutri-Score 2.0, la France franchit une nouvelle étape dans la lutte contre les maladies chroniques liées à l’alimentation. Mais la mise en œuvre de cette réforme, déjà appliquée ailleurs en Europe, se heurte aux réticences d’une partie du gouvernement et du secteur agroalimentaire.
Le nouveau Nutri-Score est-il vraiment en faveur de votre santé ?

Le 14 mars 2025 le gouvernement français a validé l’évolution du Nutri-Score, un outil clé de la politique de santé publique en matière de nutrition. Cette nouvelle version vise à corriger certaines lacunes du système initial, notamment en renforçant les pénalités pour les produits riches en sucre, en sel et en acides gras saturés, tout en mettant mieux en avant les aliments bénéfiques comme les céréales complètes et les huiles de qualité.
Le Nutri-Score renforcé pour mieux prévenir les maladies nutritionnelles
Depuis son adoption en France en 2017, le Nutri-Score s’est imposé comme un levier essentiel de la prévention nutritionnelle. Son affichage sur les emballages des produits alimentaires permet d’aider les consommateurs à identifier d’un simple coup d’œil la qualité nutritionnelle des aliments, selon une échelle allant de A (très favorable) à E (peu favorable).
La version 2.0, validée au niveau scientifique par un comité d’experts indépendants, repose sur une méthodologie qui prend en compte les avancées récentes en épidémiologie et en nutrition. Désormais, les boissons sucrées et édulcorées sont davantage pénalisées, conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui met en avant leur rôle dans l’augmentation du risque de diabète et d’obésité.
Cette nouvelle version améliore aussi la différenciation entre les céréales raffinées et les céréales complètes, ces dernières étant favorisées en raison de leur richesse en fibres, un élément clé dans la prévention des maladies cardiovasculaires et du cancer colorectal. Le Nutri-Score 2.0 revalorise également les poissons gras et certaines huiles végétales riches en oméga-3, des nutriments essentiels à la santé cardio-métabolique, en accord avec les recommandations nutritionnelles internationales.
Le blocage politique et économique du Nutri-Score malgré un consensus scientifique
Si le consensus scientifique en faveur du Nutri-Score 2.0 est fort, son adoption en France a été freinée par des résistances politiques et industrielles. L’application de cette réforme nécessitait un arrêté interministériel, dont la signature a été retardée pendant plus d’un an en raison des désaccords entre les ministères concernés.
Alors que le ministre de l’Économie, Éric Lombard, et la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, ont soutenu une mise en œuvre rapide, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a exprimé des réticences, arguant que certains produits traditionnels français pourraient être injustement pénalisés par le nouveau calcul. Cette opposition, largement relayée par les représentants de l’industrie agroalimentaire, repose sur la crainte que des produits emblématiques du patrimoine gastronomique français, tels que les fromages AOP, les charcuteries ou encore l’huile d’olive, se retrouvent mal notés, ce qui pourrait nuire à leur image auprès des consommateurs.
Mais cette argumentation occulte un point essentiel : le Nutri-Score ne vise pas à interdire ou à stigmatiser certains produits, mais à fournir une information claire et objective permettant aux consommateurs d’équilibrer leur alimentation. La consommation ponctuelle d’un produit mal noté n’est pas un problème en soi, mais c’est la consommation répétée d’aliments riches en sucres et en graisses saturées qui est à l’origine des pathologies chroniques.
Une adoption laborieuse en France alors que l’Europe avance
Pendant que la France tergiverse, six autres pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas, Suisse) ont déjà adopté le Nutri-Score 2.0 depuis janvier 2024. Dans ces pays, la transition s’est déroulée sans heurts majeurs, grâce à une forte implication des pouvoirs publics et une adhésion progressive des industriels.
Au niveau de l’Union européenne, le Nutri-Score est au cœur des débats sur l’harmonisation des systèmes d’étiquetage nutritionnel. Si plusieurs pays soutiennent son adoption à l’échelle européenne, d’autres, comme l’Italie, s’y opposent fermement, arguant qu’il nuirait aux produits traditionnels. Ce blocage illustre les tensions entre politique de santé publique et intérêts économiques.
Une réforme qui doit s’accompagner d’un effort de pédagogie
L’efficacité du Nutri-Score repose en grande partie sur la compréhension et l’adhésion des consommateurs. Or, les réticences exprimées par certains acteurs économiques et politiques alimentent une confusion qui pourrait freiner son adoption.
Pour éviter cela, Santé Publique France prévoit de lancer dès juin 2025 une vaste campagne d’information sur le Nutri-Score 2.0. L’objectif est de rappeler que ce système est un outil d’aide au choix et non une injonction à bannir certains aliments. Une meilleure communication sur son mode de fonctionnement et ses bénéfices pour la santé publique est essentielle pour garantir son efficacité.