Skinny Tok : la nouvelle tendance TikTok dangereuse pour la santé

Sur TikTok, des vidéos virales vantent les mérites d’une perte de poids rapide et visible. Derrière des messages souvent déguisés en conseils bien-être se cache une tendance qui inquiète les professionnels de santé. Appelée « Skinny Tok », elle suscite de nombreuses interrogations quant à ses effets sur la santé mentale et physique des adolescents.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 16 avril 2025 15h15
skinny-tok-la-tendance-tiktok-dangereuse-la-sante
Skinny Tok : la nouvelle tendance TikTok dangereuse pour la santé © Shutterstock

Depuis début avril 2025, plusieurs publications ont mis en lumière la progression rapide d’un phénomène sur le réseau social TikTok : le « Skinny Tok ». Cette tendance consiste à promouvoir, via des contenus très consultés, une image idéalisée de la minceur poussée à l’extrême. Derrière ce mouvement numérique se profilent des comportements potentiellement à risque pour la santé, en particulier chez les jeunes en pleine construction identitaire.

Définition et mécanismes de la tendance « Skinny Tok »

Le terme « Skinny Tok » désigne une série de vidéos publiées sur TikTok qui mettent en avant des corps très maigres, des régimes alimentaires extrêmement restrictifs, et des phrases perçues comme des incitations à la privation. Ces vidéos s’accompagnent souvent de hashtags récurrents tels que #BeSkinny ou #ToTheBone, parfois même d’injonctions directes visant à encourager une perte de poids rapide.

Dans ces contenus, la restriction calorique est parfois présentée comme une forme de discipline personnelle ou d’ascèse bénéfique. Il n’est pas rare de voir des phrases comme « Tu n’as pas faim, tu t’habitues » ou « Ne te récompense pas avec de la nourriture, tu n'es pas un chien ». Ces messages sont diffusés dans un format court, souvent mis en musique, rendant leur assimilation d’autant plus rapide et marquante.

La popularité de ces vidéos est amplifiée par le système algorithmique de TikTok, qui a pour fonction de proposer des contenus similaires à ceux que les utilisateurs consultent ou commentent. Cela favorise une exposition répétée à des messages liés à la perte de poids et à la maigreur, même chez des utilisateurs qui n’y ont pas activement adhéré.

Pourquoi cette tendance suscite l'inquiétude des professionnels de santé

Ce type de contenus inquiète les experts car il intervient dans un contexte déjà marqué par une forte vulnérabilité des adolescents face aux représentations corporelles. De nombreuses études montrent que l’adolescence est une période durant laquelle les individus développent leur rapport à leur image, et sont particulièrement sensibles aux normes sociales liées au corps.

Les troubles du comportement alimentaire (TCA), tels que l’anorexie mentale ou la boulimie, apparaissent souvent à cet âge. D’après les données de Santé publique France, environ une adolescente sur quatre et un adolescent sur cinq présentent des signes de TCA sous une forme atténuée. Ces troubles apparaissent en général entre 14 et 18 ans, et leur prise en charge est encore insuffisante : seule la moitié des personnes concernées reçoivent un traitement adapté.

Les professionnels de santé rappellent que la promotion de la restriction alimentaire sans encadrement médical est dangereuse. Elle peut entraîner des carences nutritionnelles, des déséquilibres hormonaux, une fatigue chronique, des troubles digestifs et des risques psychologiques importants. Les effets à long terme peuvent également inclure des troubles cardiovasculaires et une perte de masse osseuse.

Ce qui rend la tendance « Skinny Tok » particulièrement problématique est qu’elle associe ces pratiques à une valorisation sociale. Elle peut provoquer un sentiment de culpabilité ou d’échec chez les jeunes qui ne parviennent pas à atteindre ces idéaux corporels, ou qui ne souhaitent pas les suivre, accentuant ainsi les risques de souffrance psychique.

Un impact observé dans les établissements scolaires

Des signaux d’alerte ont été émis dans plusieurs établissements scolaires en France. Des enseignants ont constaté des comportements inhabituels chez certains élèves, notamment une diminution volontaire de l’alimentation, des remarques sur leur poids, ou des discussions fréquentes autour des vidéos publiées sur TikTok.

Des courriers ont été envoyés aux familles pour les informer de la présence de ces contenus sur les téléphones des élèves. Les équipes pédagogiques s’efforcent de sensibiliser les adolescents aux risques liés à ces messages, mais se heurtent à la viralité et à la subtilité de la tendance, qui se présente souvent sous des dehors de conseils « bien-être ».

Quelle est la responsabilité des plateformes ?

La plateforme TikTok indique dans ses conditions d’utilisation qu’elle interdit les contenus faisant la promotion de troubles de l’alimentation. Toutefois, dans les faits, les hashtags liés à la tendance « Skinny Tok » restent accessibles, et les contenus associés sont peu modérés. Des messages d’alerte sont parfois affichés, renvoyant vers des pages d’information sur les TCA, mais ces mesures sont jugées insuffisantes par les professionnels.

La ministre belge du Numérique a récemment évoqué un « risque systémique en matière de santé publique » lié à la circulation de ces contenus, appelant à une réflexion européenne sur la régulation des plateformes sociales dans le domaine de la santé.

En France, bien que certaines lois encadrent l’image du corps dans les médias traditionnels, comme l’interdiction du recours à des mannequins trop maigres, ces dispositions ne s’appliquent pas encore aux contenus numériques diffusés sur les réseaux sociaux par les utilisateurs eux-mêmes.

Prévention et accompagnement : les leviers d’action

Face à la propagation de cette tendance, plusieurs actions sont envisagées par les acteurs de santé publique. L’éducation à la santé, notamment via les programmes scolaires, est une piste essentielle pour aider les jeunes à développer un regard critique sur les contenus qu’ils consultent.

Des campagnes de prévention spécifiques aux réseaux sociaux peuvent également être mises en place, en lien avec les associations spécialisées dans les TCA. Le soutien des familles, des enseignants et des professionnels de santé est indispensable pour détecter précocement les signes d’un trouble alimentaire et orienter les jeunes vers une prise en charge adaptée.

Il est également nécessaire d’impliquer les plateformes numériques dans la régulation proactive des contenus à risque, en améliorant la détection des messages problématiques et en renforçant la modération humaine ou algorithmique.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

No comment on «Skinny Tok : la nouvelle tendance TikTok dangereuse pour la santé»

Leave a comment

* Required fields