Un nouvel épisode de contamination dans l’usine Perrier à Vergèze soulève de sérieuses questions sanitaires et réglementaires. L’Agence régionale de santé d’Occitanie propose de retirer à la marque son statut d’eau minérale naturelle. Une décision aux conséquences multiples, tant pour la santé publique que pour le secteur de l’eau embouteillée.
Eaux minérales : l’usine Perrier de nouveau contaminée par des bactéries

Le 18 avril 2025, France Info a révélé que des analyses avaient identifié des contaminations bactériennes dans des lots de bouteilles produites sur le site Perrier de Vergèze, dans le département du Gard. En réponse à ces résultats, l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie recommande le retrait de l’appellation « eau minérale naturelle » pour cette eau embouteillée. Cette préconisation intervient alors que des procédures judiciaires sont en cours et que des lots entiers ont été bloqués, voire détruits.
Identification de bactéries pathogènes dans des bouteilles Perrier
Les contaminations concernent principalement des entérobactéries, des germes issus du tube digestif humain ou animal, parfois vecteurs de maladies gastro-intestinales. Ces micro-organismes ont été détectés dans des bouteilles de 75 cl issues du site de production de Vergèze, ainsi que dans des lots de 50 cl. Ces résultats d’analyse ont conduit à la mise à l’écart de plusieurs centaines de milliers de bouteilles, toujours stockées sur site. Les autorités sanitaires envisagent leur destruction.
En termes de santé publique, la présence de telles bactéries dans une eau supposée être naturellement pure constitue un écart majeur par rapport aux critères définis par la réglementation. L’innocuité microbiologique est en effet l’un des piliers du statut « eau minérale naturelle », qui exige une stabilité et une pureté d’origine, sans traitement de désinfection.
Délais de déclaration et obligations légales
Les autorités sanitaires soulignent également un défaut de signalement rapide de ces incidents. Les premiers résultats positifs aux entérobactéries ont été établis le 11 mars pour un lot donné, mais n’ont été communiqués à l’ARS que dix jours plus tard. Un second cas, survenu le 22 mars, n’a été signalé que début avril. Or, le Code de la santé publique impose aux exploitants d’eaux embouteillées de transmettre sans délai toute information relative à un risque sanitaire.
Ce délai de communication pourrait constituer un manquement à la réglementation, avec des implications juridiques. La répression des fraudes a d’ailleurs transmis le dossier à la justice, évoquant de potentielles infractions dans les pratiques de l’exploitant.
Critères de l’eau minérale naturelle : un statut encadré
Le label « eau minérale naturelle » repose sur des critères stricts, définis à la fois au niveau européen et national. L’eau doit être d’origine souterraine, protégée contre toute pollution, stable dans sa composition, et ne pas avoir subi de traitement chimique ou bactériologique. Seuls des procédés mécaniques limités, comme la séparation de certains éléments instables, sont autorisés.
Or, selon plusieurs inspections menées ces dernières années, l’eau produite à Vergèze aurait été soumise à une microfiltration à 0,2 micron, un procédé généralement prohibé pour cette catégorie. Cette méthode de traitement a pour but de réduire la charge microbienne, mais elle peut altérer la composition naturelle de l’eau et n’est pas pleinement efficace contre tous les agents pathogènes, notamment certains virus.
En 2023, une dérogation exceptionnelle avait été accordée à Nestlé pour maintenir certains dispositifs, malgré les réserves des autorités sanitaires. La conformité de ces pratiques avec le cadre réglementaire fait aujourd’hui l’objet d’une réévaluation.
Implications pour la santé et pour la réglementation
Du point de vue de la santé publique, l’enjeu majeur est celui de la confiance dans la qualité des eaux embouteillées. Une eau revendiquée comme minérale naturelle ne doit comporter aucun risque sanitaire, y compris pour des populations vulnérables telles que les nourrissons, les personnes âgées ou immunodéprimées.
L’ARS d’Occitanie, dans son rapport d’août 2024, évoque non seulement les épisodes récents, mais également une dégradation continue de la qualité sanitaire des captages. Elle recommande de mettre fin à l’autorisation de production d’eau minérale naturelle sur le site de Vergèze. Cette recommandation repose sur une analyse technique des ressources, jugées instables et à risque sur le plan microbiologique et virologique.
Conséquences possibles pour le secteur et pour les consommateurs de Perrier
La perte du label aurait des conséquences commerciales importantes pour Perrier, dont le positionnement repose sur l’image d’une eau pure et naturellement gazeuse. Au-delà de la marque, c’est tout un segment du marché de l’eau embouteillée qui pourrait être concerné par une exigence accrue de traçabilité et de conformité réglementaire.
Pour les consommateurs, cela pourrait impliquer une plus grande vigilance sur les mentions figurant sur les étiquettes. Une eau reclassée en « eau de source » ou en « eau rendue potable » n’offre pas les mêmes garanties sanitaires, bien qu’elle puisse rester parfaitement conforme aux normes de potabilité.
Du côté des autorités, ce dossier pourrait également conduire à un renforcement des contrôles, notamment sur les systèmes de traitement autorisés, les délais de déclaration d’incident, et les conditions d’exploitation des captages.