Asthme infantile : l’étude qui change la donne sur les antibiotiques

Le recours précoce aux antibiotiques chez les enfants fait aujourd’hui l’objet d’un examen minutieux. De nouvelles données scientifiques alertent sur des effets méconnus, bien au-delà du traitement immédiat de l’infection. Les antibiotiques pourraient favoriser l’apparition de certaines maladies, comme l’asthme, chez l’enfant.

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By La rédaction Santé Matin Published on 23 avril 2025 17h33
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Asthme infantile : l’étude qui change la donne sur les antibiotiques © Shutterstock

Le 16 avril 2025, la revue Journal of Infectious Diseases a publié les résultats d’une étude rétrospective majeure impliquant plus d’un million d’enfants suivis dès la naissance jusqu’à l’âge de 12 ans. Cette analyse démontre une corrélation statistique nette entre l’exposition répétée aux antibiotiques avant l’âge de deux ans et une augmentation du risque de développer certaines maladies chroniques, en particulier l’asthme et des allergies. L’approche méthodologique, le volume de données mobilisé, et les résultats observés imposent une lecture rigoureuse, tant pour les professionnels de santé que pour les familles.

Une méthodologie solide, un échantillon inédit

L’étude repose sur l’exploitation de bases de données médicales britanniques, comprenant les antécédents médicaux d’enfants traités entre 2008 et 2020. Plus d’un million de profils pédiatriques ont été inclus. Les chercheurs ont identifié les enfants ayant reçu au moins une prescription d’antibiotiques avant l’âge de deux ans et ont suivi l’évolution de leur santé jusqu’à l’adolescence. Certains montrent des maladies durables, comme l'asthme.

L’originalité de l’approche tient à l’utilisation de comparaisons intrafamiliales : les résultats ont été confrontés à ceux d’enfants non exposés aux antibiotiques au sein d’une même fratrie, ce qui permet de neutraliser certains biais environnementaux ou génétiques. En complément, les auteurs ont stratifié les enfants selon la fréquence des prescriptions pour étudier un éventuel effet cumulatif.

Quels risques cliniques pour la santé des enfants ?

Les résultats sont précis : les enfants exposés de manière répétée aux antibiotiques avant deux ans ont un risque accru de :

  • + 47 % de diagnostic d’asthme, selon l’analyse brute ;

  • + 32 % d’allergies alimentaires (notamment aux protéines de lait et aux fruits à coque) ;

  • + 24 % de rhinite allergique ou de rhume des foins.

Aucune association statistique robuste n’a été observée pour les maladies auto-immunes (comme la maladie cœliaque ou les MICI), ni pour les troubles du neurodéveloppement (TSA ou TDAH). Une légère corrélation non significative a toutefois été relevée avec certains cas de déficience intellectuelle, ce qui reste à explorer.

Un coupable biologique probable : le microbiote intestinal

Les auteurs avancent une hypothèse biologique cohérente : les antibiotiques à large spectre, administrés tôt, perturberaient durablement le microbiote intestinal de l’enfant. Or, celui-ci joue un rôle central dans la maturation du système immunitaire.

Chez l’enfant de moins de deux ans, ce microbiote est encore instable et fragile. En éliminant simultanément les bactéries pathogènes et les bactéries bénéfiques, les antibiotiques rompent cet équilibre essentiel. Ce phénomène de dysbiose pourrait favoriser l’émergence de réponses immunitaires inadaptées, responsables d’asthme ou d’allergies.

Un usage encadré, une vigilance renforcée

Le Dr Daniel Horton, principal auteur de l’étude, résume ainsi la posture à adopter : « Les antibiotiques jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les infections bactériennes, mais les médecins doivent être prudents lorsqu'ils en prescrivent aux enfants de moins de 2 ans, car une utilisation fréquente peut affecter la santé des enfants à long terme ».

Il s’agit donc de prescrire à bon escient : les infections d’origine virale, très fréquentes chez les jeunes enfants, ne justifient pas l’usage d’antibiotiques. Leur surprescription contribue non seulement à l’antibiorésistance, mais aussi – on le voit désormais – à des complications immunitaires tardives.

Perspectives et recommandations

Les auteurs de l’étude appellent à une évolution substantielle des pratiques médicales en pédiatrie. Ils insistent sur la nécessité de renforcer la formation des professionnels de santé, notamment des médecins généralistes et des pédiatres, en matière d’antibiothérapie raisonnée. Cela suppose une meilleure connaissance des critères cliniques permettant de distinguer les infections bactériennes, qui justifient un traitement antibiotique, des infections virales, beaucoup plus fréquentes chez les enfants, qui n’en nécessitent pas. Par ailleurs, l’amélioration des outils de diagnostic rapide, capables d’identifier la nature exacte de l’agent pathogène, apparaît comme un levier essentiel pour limiter les prescriptions inutiles.

Cette réforme ne peut se faire sans une communication claire et adaptée à destination des parents. Informer les familles sur les risques potentiels d’une utilisation trop précoce ou trop fréquente des antibiotiques, sans pour autant susciter d’inquiétude disproportionnée, est un enjeu de santé publique. Il s’agit de rétablir un dialogue éclairé entre médecins et parents, fondé sur la confiance, l’écoute et la transparence. Dans cette perspective, les professionnels de santé sont invités à expliciter davantage leurs décisions thérapeutiques et à accompagner les familles dans la compréhension des enjeux liés au développement immunitaire de l’enfant.

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