L’augmentation des cas de tuberculose chez les enfants en Europe, confirmée par les données les plus récentes, suscite une vigilance accrue des autorités sanitaires. Les professionnels de santé sont appelés à redoubler d’efforts pour renforcer la détection, améliorer la prise en charge et prévenir les formes graves de cette maladie évitable.
Alerte : la tuberculose frappe de plus en plus d’enfants en Europe

En 2023, la tuberculose a touché plus de 172 000 personnes dans la région Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui comprend 53 pays, dont plusieurs en Asie centrale. Si le nombre global de cas reste relativement stable par rapport à l’année précédente, une évolution spécifique retient l’attention : la part des enfants de moins de 15 ans parmi les personnes diagnostiquées a augmenté de 10 % sur un an.
D’après les données consolidées par l’OMS et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), ces enfants représentaient 4,3 % des cas en 2023, soit une hausse pour la troisième année consécutive. Cette tendance concerne également l’Union européenne et l’Espace économique européen, où près de 37 000 cas ont été signalés l’an dernier.
Des défis persistants en matière de traitement et de suivi de la tuberculose
Un des points de préoccupation majeurs concerne l’achèvement des traitements. Les données disponibles indiquent qu’un enfant sur cinq atteint de tuberculose dans l’UE/EEE n’a pas de dossier confirmant la fin du protocole thérapeutique. Ce manque de traçabilité complique l’évaluation des résultats et pourrait favoriser l’apparition de formes résistantes, plus difficiles à traiter.
Par ailleurs, les taux de réussite du traitement restent inférieurs aux objectifs fixés par l’OMS. En 2022, la proportion de patients ayant achevé un traitement classique avec succès atteignait 75,5 % dans la région européenne. Ce chiffre chute à 67,9 % lorsqu’on isole les pays de l’UE/EEE. Pour les formes multirésistantes, les résultats sont encore plus bas, avec des taux de succès de 59,7 % en Europe et 56,3 % dans l’Union.
Les formes multirésistantes en progression
La tuberculose multirésistante (TB-MR), causée par des souches résistantes aux traitements standards, représente une part croissante des diagnostics. Ces cas nécessitent des protocoles plus longs, souvent plus lourds et aux effets secondaires plus marqués. Les difficultés d’adhésion au traitement, les retards de diagnostic et la disponibilité inégale des médicaments adaptés expliquent en partie la persistance de résultats décevants.
L’OMS et l’ECDC plaident pour une généralisation des schémas thérapeutiques oraux plus courts, qui ont montré leur efficacité tout en améliorant le confort des patients. Le développement de nouvelles molécules et l’accès équitable à ces traitements restent une priorité.
Des facteurs sociaux déterminants
Les données épidémiologiques montrent que la tuberculose continue de toucher plus fortement certaines populations vulnérables. Les personnes vivant en situation de précarité, dans des environnements surpeuplés ou en contexte migratoire récent sont plus à risque. Ces conditions augmentent l’exposition à la bactérie, mais compliquent également l’accès au dépistage et à la continuité des soins.
Dans certains pays d’Europe de l’Est, la part des cas multirésistants est particulièrement élevée. En France, bien que le taux d’incidence reste relativement bas, une augmentation de 16,7 % a été observée entre 2022 et 2023. Certaines régions comme l’Île-de-France ou les départements d’outre-mer concentrent une part importante des cas signalés.
Co-infection avec le VIH : un enjeu de santé publique
La co-infection tuberculose/VIH reste un facteur aggravant, avec des conséquences cliniques lourdes. En 2023, plus de 15 % des personnes diagnostiquées avec la tuberculose dans la région OMS Europe étaient également porteuses du VIH. L’accès aux traitements antirétroviraux (ARV) reste très inégal, notamment en dehors de l’Union européenne. Seuls 21 pays ont fourni des données sur la couverture ARV des personnes co-infectées, et seuls 4 États de l’UE/EEE figuraient parmi eux.
Cette situation fragilise les efforts de contrôle, car une co-infection non traitée augmente significativement le risque de complications et de transmission.
Recommandations des institutions de santé
Les autorités sanitaires internationales appellent à une mobilisation renforcée pour faire reculer la maladie. Plusieurs axes d’intervention sont mis en avant :
Elargir les capacités de dépistage, notamment par des outils plus rapides et accessibles ;
Améliorer la surveillance du parcours thérapeutique ;
Déployer les traitements les plus récents à plus grande échelle, y compris dans les pays à ressources limitées ;
Renforcer les dispositifs de prévention, en particulier auprès des populations les plus exposées.
Des investissements sont également nécessaires pour surmonter le déficit de financement mondial, estimé à 11 milliards de dollars par l’OMS. Cette enveloppe conditionne la poursuite et l’élargissement des programmes de traitement, de recherche et de prévention.
Une mobilisation nécessaire contre la tuberculose pour atteindre les objectifs 2030
La résurgence de la tuberculose infantile en Europe rappelle que les objectifs de l’OMS en matière d’éradication de la maladie à l’horizon 2030 nécessitent une accélération des efforts. Les outils existent : dépistages automatisés, traitements oraux courts, protocoles adaptés aux enfants, formations pour les professionnels de santé, mais leur mise en œuvre reste partielle.
La stabilisation des cas adultes ne doit pas masquer les fragilités persistantes chez les plus jeunes. Une réponse coordonnée, fondée sur les données, la prévention et l’accès équitable aux soins, constitue une condition essentielle pour inverser la tendance actuelle.