Microplastiques : une étude paneuropéenne tire la sonnette d’alarme sur la pollution des fleuves

Longtemps reléguée à la seule sphère écologique, la pollution aux microplastiques s’impose désormais comme un enjeu sanitaire d’envergure. Une série d’études publiées ce 6 avril par un consortium scientifique européen tire la sonnette d’alarme : TOUS les fleuves européens, petits et grands, sont massivement contaminés.

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Par La rédaction Santé Matin Publié le 7 avril 2025 à 10h52
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Microplastiques : tous les fleuves européens sont contaminés

Depuis 2019, la mission Tara Microplastiques — menée par la fondation Tara Océan avec le soutien du CNRS — a étudié neuf fleuves européens, parmi lesquels la Seine, le Rhône, l’Elbe, l’Ebre, la Garonne ou encore la Tamise, depuis leur amont jusqu’à leur embouchure. À chaque étape, les chercheurs ont mesuré la présence de microplastiques, ces particules plastiques invisibles à l’œil nu.

Le constat, relayé par BFMTV est sans appel : tous les fleuves européens, qu’ils traversent des zones urbaines ou rurales, sont contaminés. En moyenne, on y trouve entre 2 et 4 particules par mètre cube d’eau — signe d’une pollution continue, ou plutôt systémique, enracinée dans le cycle hydrologique. Selon le débit du fleuve, cela représente plusieurs milliers de fragments transportés chaque seconde.

Des microparticules invisibles mais omniprésentes

Les microplastiques sont des fragments de plastique mesurant moins de 5 mm. Ils proviennent d’une diversité de sources : résidus de textiles synthétiques, cosmétiques, dégradation de plastiques plus gros, pneus, mais aussi granulés industriels vierges – surnommés « larmes de sirène ». Les études révèlent que, dans certains fleuves, ces microplastiques représentent jusqu’à un 1/4 des échantillons prélevés, et ce, avant toute transformation industrielle.

Une fois dans le fleuve, ces particules ne disparaissent pas : elles circulent dans toute la colonne d’eau, s’infiltrent dans les sédiments, sont absorbées par la faune aquatique… et remontent, de fait, dans la chaîne alimentaire. L’uniformité de la contamination, relevée en amont comme en aval des villes, suggère une pollution structurelle, « disséminée par les précipitations, les ruissellements ou les systèmes d’assainissement », selon Jean-François Ghiglione, directeur de recherche au CNRS et coordinateur scientifique de la mission, cité par Libération.

Une crise sanitaire à retardement

Ce que les chercheurs redoutaient se confirme : les microplastiques ne s’arrêtent pas à l’environnement. Ils se fraient un chemin jusqu’au corps humain. Comme l’indique les études, ces particules ont été retrouvées dans le foie, les poumons, le sang, le lait maternel et même dans le placenta des nouveau-nés.

Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) alerte sur les effets physiopathologiques possibles : lésions tissulaires, perturbations endocriniennes, neurotoxicité, inflammations chroniques et affaiblissement du système immunitaire. Les plus petits fragments – dits nanoplastiques – sont capables de franchir la barrière hémato-encéphalique, ce qui soulève des inquiétudes majeures en neurologie. De fait, Leticia Carvalho, responsable du programme eau et océan au PNUE, tire la sonnette d'alarme : « les microplastiques constituent désormais une urgence sanitaire, et non plus un simple problème de déchets ».

Un vecteur biologique encore sous-estimé

Au-delà de leur impact chimique, les microplastiques agissent comme des supports pour d’autres contaminants. Libération rapporte ainsi qu’une bactérie pathogène résistante aux antibiotiques a été retrouvée à la surface de particules collectées dans la Loire. Les scientifiques alertent : ces fragments pourraient favoriser la dispersion de pathogènes environnementaux, voire contribuer à la transmission de résistances microbiennes — un enjeu prioritaire pour l’Organisation mondiale de la santé.

En d'autres termes, les plastiques - et microplastiques - jouent le rôle de « taxis microbiens » en transportant des agents infectieux dans des milieux où ils n’auraient pas circulé spontanément.

Une réglementation absente

Malgré la multiplication des alertes scientifiques, la réglementation sanitaire, à l'échelle nationale et européenne, reste très en retard. Aucun seuil d’exposition aux microplastiques n’est aujourd’hui défini au niveau européen, ni pour l’eau potable, ni pour les aliments, ni pour les produits cosmétiques.

Or, l’exposition est quotidienne, chronique, difficile à quantifier et encore plus complexe à tracer. Elle s’opère par l’eau du robinet, l’air intérieur, les aliments transformés, les produits d’hygiène, les ustensiles, les textiles ou encore les poussières domestiques. La contamination est par conséquent et désormais systémique. Elle s’est inscrite dans le fonctionnement même des bassins versants, et par extension, dans nos modes de vie et nos pratiques de consommation.

Un appel à l’action : prévention et régulation

La mission Tara et les experts du PNUE convergent sur un point : il est impossible de dépolluer les milieux fluviaux à l’échelle des microplastiques. Il faut donc agir en amont, cela passe par :

  • Réduire la production globale de plastiques non essentiels.
  • Réglementer les pertes industrielles de granulés.
  • Renforcer les obligations de filtration dans les stations d’épuration.
  • Encourager les textiles naturels et les matériaux alternatifs.
  • Lancer des études longitudinales sur l’exposition humaine.

Des pays européens ont commencé à interdire les microplastiques ajoutés volontairement dans les cosmétiques, mais pour les scientifiques, ces mesures restent symboliques tant que la production plastique continue de croître. Un traité international contraignant est actuellement en négociation à l’ONU, mais son adoption est encore incertaine.

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