L’antibiorésistance tue 35000 personnes chaque année en Europe

Des rapports récents confirment une évolution préoccupante de la résistance aux antibiotiques en Europe. Les institutions sanitaires appellent à une action coordonnée pour contenir ce phénomène, considéré comme l’une des principales menaces pour la santé publique mondiale.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Modifié le 10 avril 2025 à 11h06
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Le 5 mars 2025, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) ont publié un rapport conjoint soulignant la progression continue de l’antibiorésistance sur le continent. Ce phénomène, qui compromet l’efficacité des traitements antibiotiques, représente un enjeu majeur pour les systèmes de santé, tant au niveau humain que vétérinaire et environnemental. L’Union européenne réitère son appel à renforcer les stratégies de surveillance, de prévention et d’éducation, dans le cadre d’une approche intégrée dite « One Health ».

Des indicateurs de résistance toujours préoccupants

Le rapport EFSA-ECDC repose sur les données de surveillance collectées auprès des États membres de l’Union européenne, de l’Islande et de la Norvège. Les résultats mettent en évidence des niveaux encore élevés de résistance à plusieurs antibiotiques essentiels, notamment chez certaines souches de Salmonella, Campylobacter et Escherichia coli. Chez ces bactéries, la résistance à la ciprofloxacine – un fluoroquinolone utilisé dans le traitement des infections gastro-intestinales – reste particulièrement élevée, en particulier dans les élevages avicoles.

En revanche, une amélioration est observée dans certains pays concernant la baisse de la résistance aux macrolides, aux pénicillines et aux tétracyclines. Ces évolutions contrastées témoignent de la complexité de la dynamique microbienne et de l’impact différencié des politiques de réduction d’usage des antibiotiques selon les contextes nationaux.

Un fardeau sanitaire et économique en progression

Selon l’ECDC, plus de 35 000 décès annuels sont actuellement attribués à des infections causées par des bactéries résistantes dans l’Union européenne, l’Islande et la Norvège. Ce chiffre est issu d’estimations épidémiologiques basées sur les données hospitalières et les résultats de surveillance microbiologique. Ces décès sont le plus souvent liés à des infections nosocomiales, des septicémies ou des pneumonies contractées dans des contextes de soins intensifs.

À l’échelle mondiale, l’étude de référence publiée dans The Lancet en 2022 évoque plus d’un million de morts par an. Les projections à l’horizon 2050 évoquent jusqu’à 10 millions de décès annuels si aucune mesure efficace n’est mise en œuvre à l’échelle internationale. Le coût économique lié à l’augmentation des hospitalisations, aux traitements alternatifs plus coûteux et à la perte de productivité est également considéré comme significatif.

Vers une réponse européenne structurée et intégrée

Dans ce contexte, les autorités de santé européennes appellent à renforcer les efforts en matière de prévention, de surveillance et de recherche. Le rapport EFSA-ECDC recommande une consolidation des dispositifs nationaux de lutte contre l’antibiorésistance et la mise en œuvre d’actions coordonnées au niveau européen. Il insiste sur l’importance d’un suivi rigoureux de la consommation d’antimicrobiens, tant en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire.

L’ECDC rappelle par ailleurs l’importance de l’approche « One Health », qui vise à appréhender l’antibiorésistance de manière transversale en intégrant les dimensions humaine, animale et environnementale. Ce cadre stratégique est également soutenu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Commission européenne.

Plusieurs réseaux européens assurent la collecte et l’analyse des données : EARS-Net pour la surveillance de la résistance bactérienne, ESAC-Net pour la consommation d’antibiotiques, et HAI-Net pour les infections associées aux soins. Ces outils sont essentiels pour anticiper les évolutions épidémiologiques et orienter les politiques publiques.

Initiatives de recherche et solutions thérapeutiques en cours

Des programmes de recherche sont actuellement en développement pour détecter plus précocement les bactéries résistantes. Certaines équipes européennes testent des dispositifs de diagnostic rapide intégrant des technologies de biocapteurs ou d’intelligence artificielle, notamment en Suisse et en Suède.

Par ailleurs, des travaux s'intéressent à des alternatives aux antibiotiques classiques. La phagothérapie, qui repose sur l’utilisation de bactériophages pour cibler des bactéries spécifiques, fait l’objet d’essais dans plusieurs pays européens. Si cette approche n’est pas encore intégrée aux protocoles de soins standard, elle suscite un intérêt croissant dans le traitement des infections multirésistantes.

Communication et sensibilisation : un levier indispensable

La lutte contre l’antibiorésistance ne peut être efficace sans une mobilisation des professionnels de santé et de la population générale. Depuis 2008, l’Union européenne organise chaque année le European Antibiotic Awareness Day (EAAD), le 18 novembre. Cette journée vise à rappeler l’importance d’un usage raisonné des antibiotiques et à diffuser des informations validées sur les risques associés aux traitements inappropriés.

En France, des campagnes institutionnelles sont menées par Santé publique France et l’Assurance maladie pour inciter à la prescription ciblée et à la réduction de l’automédication. L’éducation à la santé et la formation continue des soignants sont identifiées comme des axes majeurs de la politique nationale.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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