Dans un contexte de mutation démographique, de crises sanitaires récurrentes et d’inégalités territoriales persistantes, la Croix-Rouge française publie un rapport structurant sur la santé et la résilience collective. L’objectif : identifier les vulnérabilités et proposer des pistes concrètes pour garantir un accès aux soins de qualité sur l’ensemble du territoire.
Déserts médicaux et santé mentale : la Croix-Rouge tire le signal d’alarme

Le 8 avril 2025, la Croix-Rouge française a présenté la troisième édition de son rapport sur la résilience de la société, consacrée cette année à la santé. Réalisé avec le concours du Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) et de la Fondation Croix-Rouge française, le rapport s’appuie sur des données statistiques, des entretiens avec des professionnels de terrain, ainsi qu’un sondage OpinionWay. Il dresse un état des lieux des forces et des fragilités du système de santé français et met l’accent sur les enjeux d’accès, de proximité et de solidarité.
Une amélioration globale, mais des disparités marquées
Sur plusieurs indicateurs, la santé des Français s’est améliorée ces dernières années. L’espérance de vie en bonne santé a progressé entre 2005 et 2022, avec un gain de onze mois pour les hommes et de sept mois pour les femmes. De même, la couverture vaccinale infantile affiche une nette avancée : en 2022, 93 % des enfants de deux ans avaient reçu le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole), contre 61 % en 2010. La consommation d’alcool, de tabac et de cannabis chez les adolescents a quant à elle fortement reculé, résultat de campagnes de prévention renforcées et diversifiées.
Cependant, ces signaux positifs ne doivent pas occulter la persistance d’inégalités structurelles. Le rapport souligne que l’espérance de vie diffère considérablement selon les revenus, avec un écart de treize ans entre les 5 % les plus riches et les 5 % les plus pauvres. Cette disparité, révélatrice d’inégalités plus larges, recoupe souvent l’isolement géographique, la précarité économique et un accès réduit à la prévention ou aux soins de qualité.
Accès aux soins : un enjeu de proximité
L’un des constats majeurs mis en avant par la Croix-Rouge concerne l’accès aux soins, de plus en plus problématique dans certaines zones du territoire. En 2024, un tiers des Français a renoncé à des soins, et près de la moitié des personnes vivant en milieu rural affirment rencontrer des difficultés pour obtenir un rendez-vous médical. Cette situation s’explique en partie par une densité médicale insuffisante, environ 339 médecins pour 100 000 habitants, dont 147 généralistes, et par la vacance persistante de nombreux postes d’infirmiers et d’aides-soignants, estimée à 30 000.
Les conséquences sont visibles à l’échelle des services d’urgence, dont la fréquentation a doublé depuis 1996, atteignant aujourd’hui 20 millions de passages annuels. Faute d’alternatives accessibles, les urgences deviennent pour beaucoup le seul point d’entrée dans le système de soins.
La santé mentale en première ligne
Le rapport accorde une attention particulière à la santé mentale, domaine longtemps relégué au second plan. En 2024, 28 % des Français déclaraient une santé mentale qu’ils jugeaient moyenne ou mauvaise. Ces chiffres révèlent un besoin croissant d’accompagnement psychologique, en particulier pour les jeunes, les aidants, et les personnes vivant dans la précarité ou l’isolement.
Face à cette situation, la Croix-Rouge appelle à faire de la santé mentale une priorité de santé publique. Elle propose d’y consacrer des moyens spécifiques à travers un renforcement du soutien psychologique, la généralisation de formations de sensibilisation accessibles au grand public, et la création de relais communautaires sur l’ensemble du territoire pour orienter les personnes vers des dispositifs adaptés.
Une préparation renforcée aux crises sanitaires
La préparation du système de santé aux crises futures constitue un autre pilier du rapport. Cinq ans après la pandémie de Covid-19, une majorité de Français (62 %) estime que le pays ne serait pas en capacité de gérer une nouvelle crise d’ampleur. Pour renforcer la résilience collective, la Croix-Rouge propose plusieurs pistes : améliorer les stocks de matériel stratégique, consolider les partenariats avec les associations agréées de sécurité civile, et faciliter l’engagement de personnel volontaire formé.
L’expérience acquise lors des campagnes de vaccination menées dans des territoires éloignés, notamment grâce à des unités mobiles, démontre l’efficacité d’approches souples et adaptables, capables de réduire les fractures territoriales en matière d’accès à la prévention.
Cinq orientations structurantes pour la résilience sanitaire
Le rapport formule cinq recommandations phares. La première consiste à garantir un accès réel à la santé pour tous, en ciblant prioritairement les zones sous-dotées. Cela implique de développer les actions de prévention, les dispositifs de médiation en santé et les soins de proximité, y compris à travers des structures mobiles.
La deuxième orientation vise à inscrire la santé mentale au cœur des politiques publiques, avec un investissement dans la formation, la prévention, le repérage précoce et la lutte contre la stigmatisation.
La troisième recommandation concerne la réponse aux crises sanitaires : il s’agit de structurer davantage la chaîne de secours, d’anticiper les ruptures de continuité de service et de renforcer les capacités d’intervention en cas de situations exceptionnelles.
Quatrième priorité : reconnaître pleinement la contribution du secteur privé à but non lucratif, notamment en stabilisant ses financements, en harmonisant les cadres juridiques et en valorisant les métiers du soin par des mesures incitatives.
Enfin, la cinquième orientation préconise de faire des citoyens des acteurs engagés dans la prévention des risques. Cela passe par la généralisation de la formation aux gestes qui sauvent, avec pour objectif de former au moins 80 % de la population à moyen terme, notamment via le compte personnel de formation.
À travers ces axes stratégiques, la Croix-Rouge française souhaite renforcer la cohésion du système de santé et contribuer à une résilience collective plus forte, fondée sur la solidarité, la proximité et l’inclusion de tous les publics.