Depuis 2011, la progression de l’espérance de vie en Europe connaît un net ralentissement, une tendance qui s’est encore accentuée avec la pandémie de COVID-19. Ce phénomène interroge l’impact des politiques de santé publique et des modes de vie contemporains.
Espérance de vie : quelques pays européens progressent encore

Les avancées médicales du XXe siècle avaient permis une augmentation constante de l’espérance de vie en Europe. Depuis 2011, ce progrès a nettement ralenti. Si la pandémie de COVID-19 a aggravé cette stagnation, les causes profondes de ce phénomène datent d'avant. Facteurs comportementaux, défaillances des politiques de prévention et inégalités d’accès aux soins sont autant d’éléments qui pèsent sur cette évolution. Une étude publiée le 19 février 2025 dans The Lancet Public Health met en évidence cette tendance et montre comment certains pays ont mieux résisté que d’autres.
Un ralentissement généralisé de l’espérance de vie en Europe
Les données montrent que la progression de l’espérance de vie en Europe a connu trois phases distinctes au cours des dernières décennies. Entre 1990 et 2011, la longévité augmentait de 0,23 an par an en moyenne, un gain considérable attribuable aux avancées médicales, à l’amélioration des traitements cardiovasculaires et à la baisse de la mortalité due aux cancers. Cependant, entre 2011 et 2019, cette progression a chuté à 0,15 an par an, révélant un premier signe de stagnation. L’impact de la pandémie de COVID-19 entre 2019 et 2021 a quant à lui provoqué une baisse brutale de l’espérance de vie dans plusieurs pays européens, confirmant une vulnérabilité accrue des systèmes de santé face aux crises.
La Norvège, la Suède et l’Islande ont toutefois réussi à maintenir une croissance modérée de leur espérance de vie, contrairement au Royaume-Uni, à l’Allemagne et à la Grèce, où l’on observe une stagnation voire une régression. Ces différences s’expliquent en grande partie par des politiques de santé publique contrastées, influençant directement les conditions de vie et la prévention des maladies chroniques.
L’augmentation des maladies chroniques et des facteurs de risque comportementaux
Les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité en Europe, et leur impact sur l’espérance de vie est directement lié à l’augmentation de certains facteurs de risque. L’obésité, l’hypertension artérielle et le diabète de type 2 progressent dans de nombreux pays européens en raison de modes de vie de plus en plus sédentaires et d’une alimentation trop riche en sucres et en graisses saturées.
L’activité physique insuffisante impacte aussi l'espérance de vie. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande au moins 150 minutes d’exercice modéré par semaine, un objectif que plus d’un tiers des Européens ne parviennent pas à atteindre. Ce manque d’activité accentue le risque de pathologies cardiovasculaires et de cancers, réduisant ainsi les gains potentiels de longévité.
L’impact du tabagisme et de l’alcoolisme reste également préoccupant. Si des progrès ont été réalisés dans certains pays grâce à des campagnes de prévention ciblées, le tabagisme continue de peser lourdement sur la santé publique, en particulier en Europe centrale et orientale.
Des politiques de santé publique inégales en Europe
Les disparités entre pays en matière d’espérance de vie s’expliquent aussi par la capacité des gouvernements à mettre en place des politiques de prévention efficaces. Le Royaume-Uni et l’Allemagne, par exemple, affichent des résultats préoccupants en raison de la réduction des dépenses de santé publique et d’un accès inégal aux soins. En Allemagne, les inégalités sociales en matière de santé sont particulièrement marquées, avec une espérance de vie plus courte pour les populations à faibles revenus.
À l’inverse, les pays nordiques ont investi massivement dans la prévention des maladies chroniques. La Norvège a mis en place une taxation stricte sur les aliments ultra-transformés, tandis que la Suède et l’Islande ont renforcé leurs politiques de promotion de l’activité physique dès le plus jeune âge. Ces stratégies se traduisent par des niveaux plus faibles d’obésité et une meilleure prise en charge des pathologies métaboliques.
COVID-19 : révélateur des fragilités du système sanitaire
L’impact du COVID-19 sur l’espérance de vie a été particulièrement sévère dans les pays où les gains de longévité avaient déjà ralenti avant la pandémie. La Grèce et le Royaume-Uni ont enregistré les plus fortes baisses, avec une réduction de 0,61 an et 0,6 an respectivement entre 2019 et 2021. Cette vulnérabilité s’explique par une plus grande prévalence des comorbidités dans la population et une gestion sanitaire moins réactive face aux vagues épidémiques.
En revanche, la Norvège, l’Islande et la Suède ont limité l’impact du COVID-19 sur l’espérance de vie grâce à des politiques sanitaires robustes et un accès universel aux soins préventifs. Les données suggèrent que les pays ayant adopté des stratégies de réduction des facteurs de risque en amont étaient mieux préparés pour faire face à cette crise.
Quels leviers pour inverser la tendance ?
Face à ce constat, plusieurs pistes d’amélioration émergent pour relancer la progression de l’espérance de vie en Europe. La prévention doit être une priorité absolue, avec un renforcement des politiques de lutte contre l’obésité et le diabète, ainsi qu’une amélioration de l’accès aux soins préventifs. Les inégalités sociales de santé doivent également être réduites, en garantissant un accès équitable aux soins de qualité sur l’ensemble du territoire.
L’exemple des pays nordiques montre que des mesures pertinentes peuvent produire des effets significatifs. La taxation des produits nocifs, l’éducation nutritionnelle dès le plus jeune âge et la promotion de l’activité physique sont autant d’initiatives qui ont prouvé leur efficacité. Il est essentiel que d’autres pays adoptent des politiques similaires pour enrayer la stagnation observée.