En 2030, les générations du baby-boom arriveront à l’âge de 85 ans, âge moyen d’entrée en Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD), avec des exigences et des pathologies différentes de celles des générations précédentes. Pour y faire face, l’EHPAD de demain doit se digitaliser afin d’accompagner ces baby-boomers dans leur grande dépendance.
Une population vieillissante
L’espérance de vie des Français ne cesse d’augmenter. Le nombre de personnes de 85 ans ou plus sera multiplié par 3,5 entre 2017 et 2050. Ce vieillissement de la population s’avère être un enjeu sociétal majeur et un besoin de financement gigantesque dans les pays industrialisés tels que la France, avec pour défi de prolonger l’autonomie et de maintenir une certaine qualité de vie. 90% des Français souhaitent vieillir chez eux, cette approche « populationnelle » nécessite un renouvellement des pratiques de santé publiques mais également une manière de repenser les EHPAD. Il est nécessaire que les établissements, publics ou privés, continuent à se préparer à l’arrivée de personnes de plus en plus dépendantes en s’appuyant sur les nouvelles technologies pour prendre soin de nos ainés.
Grande dépendance : l’EHPAD, un établissement ultraspécialisé de type clinique
Le vieillissement de la population française entraine l’accueil de résidents de plus en plus âgés et très dépendants. Il s’agit d’un constat fait par les professionnels des EHPAD qui s’explique par la volonté des pouvoirs publics de favoriser le maintien à domicile depuis quelques années repoussant ainsi l’âge d’entrée en EHPAD. En 2017, le GMP (le GIR Moyen Pondéré traduit le niveau de dépendance moyen des résidents) moyen était de 726 (contre 722 en 2016 et 680 en 2010) et pour une durée de séjour qui se réduit (diminution de 6 mois en 10 ans) compte-tenu de l’âge très élevé à l’entrée. La CNSA observe aujourd’hui que la quasi-totalité des résidents souffrent de multiples pathologies notamment de type neurodégénératives (Alzheimer et apparentées). L’EHPAD de demain doit se préparer à accompagner quasi-exclusivement des personnes en grande perte d’autonomie et fonctionner comme une « petite clinique ».
Cette médicalisation nécessite une formation spécifique des professionnels à l’accompagnement de personnes présentant des troubles neuropsychiatriques, à l’accompagnement à la fin de vie, aux nouvelles techniques relationnelles comme « Montessori » ou « l’Humanitude » qui permettent de privilégier le lien entre le soignant et la personne âgée. Cela s’observe déjà en Ile-de-France par exemple, où l’Agence Régionale de Santé oriente les crédits non reconductibles vers les formations des professionnels aux soins en gérontologie. Citons la formation initiale des aides-soignants, qui n’excède pas un an, ne permettant pas de préparer les professionnels à accompagner des patients déments et fortement dépendants.
Pour Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa , les EHPAD « manquent d’aides-soignants et de spécialités médicales », il semble donc important que les structures se médicalisent davantage et fassent appel à des médecins prescripteurs et non des médecins coordinateurs et embauchent des infirmiers 24h/24. L’épidémie du Covid19 qui a fortement touché les EHPAD a permis de montrer qu’avec la présence de médecins prescripteurs, les hospitalisations des résidents avaient fortement diminué.
Les nouvelles technologies : levier du « bien-vieillir »
Les EHPAD ont pour mission de prendre soin de la personne âgée qui devient de plus en plus dépendante. Pour cela, ils doivent se montrer innovants et transformer leurs pratiques en s’appuyant sur les nouvelles technologies. Leur digitalisation doit avant tout viser deux objectifs : premièrement l'amélioration du confort de vie des résidents et deuxièmement l’amélioration des conditions de travail des soignants, comme l’ont souligné des opérateurs lors de la Journée franco-allemande de la "Silver économie" le 4 juin 2019. Il est, par exemple, absolument nécessaire que toutes les chambres soient équipées de rails de transfert motorisés et connectés pour soulager les professionnels. Quant aux générations futures, elles seront plus exigeantes et souhaiteront des outils connectés pour être autonomes : gestion des chambres à commande vocales (ouverture des portes, des volets, gestion de la télévision, des lumières…), murs tactiles, serrures à badges.
La situation liée à l’épidémie du Covid19 a mis en lumière la nécessité d’offrir aux résidents et aux familles, souvent éloignées, des outils numériques permettant de conserver un lien nécessaire à leur bien-être. C’est le cas, par exemple, du groupe « DomusVi » qui a lancé « FamilyVi », une application permettant en quelques clics d'envoyer un message, une photo ou d'offrir un cadeau à son proche, de consulter les informations relatives à la vie de la résidence, etc. Au sein d’une résidence « DomusVi », l’épidémie de Covid19 a fait passer de 30 à 50 % le nombre de familles actives sur l’application. Cette pandémie a permis également de valoriser la télémédecine. Il est primordial que tous les EHPAD disposent des équipements nécessaires à cette pratique qui deviendra vitale évitant ainsi les transferts, les hospitalisations à répétition et offrant une prise en charge médicale plus rapide. Nous pouvons nous interroger sur les maladies saisonnières qui tuent chaque année de nombreux résidents en EHPAD. Allier gestes barrières, télémédecine et confinement tout en respectant les libertés de chacun protégerait sans doute les personnes âgées lors des pics épidémiques.
L’intelligence artificielle devra enfin être intégrée au sein des établissements, avec par exemple des robots permettant de détecter l’apparition de troubles psychiatriques ou neurodégénératifs, des systèmes automatisés de relevés des constantes vitales, de détection des chutes, de détection des escarres et du suivi de l’hydratation.
Il sera néanmoins crucial d’accompagner les professionnels dans le changement de leurs pratiques et de les former à l’utilisation optimale de ces outils numériques émergeants.