Depuis près d’un an, la réquisition forcée d’un grand nombre de lits d’hôpitaux pour les patients atteints de la Covid a bouté nombre de fragilisés hors de ces établissements. Elle en a également dissuadé beaucoup de venir consulter malgré leur mauvais état de santé. Les premiers ont été renvoyés à domicile, les autres y sont restés, sans plus d’accès aux services de soin dont ils avaient pourtant besoin. Chez elles, ces personnes fragiles ont eu plus que jamais besoin d’être aidées et accompagnées, — parfois même pour des gestes aussi simples que se mouvoir, se laver, se nourrir.
Qui s’est occupé de ces personnes fragiles ? Les aidants bien sûr, proches, parents, amis, voisins : ceux qui, avant même le début de cette crise, consacraient déjà une part significative de leur temps — 10, 20, parfois 30% voire davantage — à soutenir au quotidien ces femmes et ces hommes en difficulté, ayant besoin d’un soutien fréquent. Une réalité qui ne concernerait pas moins d’un cinquième de la population active (grand âge, maladie, handicap, autisme, accident de la vie, etc.).
Une charge mentale empirée par la pandémie
Ces aidants, on le sait, sacrifient une partie de leur vie personnelle et professionnelle aux missions qui leur incombent, sans toutefois se plaindre et pleinement engagés dans cette tâche quotidienne qui, malgré leur énergie, représente ce que l’on nomme aujourd’hui une charge mentale importante, en plus d’être souvent une lourde charge physique.
La situation des aidants était déjà problématique avant l’arrivée du coronavirus. Au point que nos responsables politiques avaient fini par s’en émouvoir et commencé à légiférer en vue de les accompagner au mieux. Depuis début 2020, cette situation a évidemment empiré. La priorité donnée par notre système de santé à la lutte contre la maladie a accru la prise en charge des personnes à aider par leurs aidants. Y compris en matière d’organisation et de logistique : nombre d’entre eux se retrouvent désormais avec leur proche fragilisé à domicile.
Les entreprises doivent aider les aidants - même en télétravail
Avant la pandémie commençait pourtant à naître au sein des entreprises une prise de conscience quant à cet enjeu crucial pour notre société. Un phénomène qui risque de s’accroître encore dans les années à venir, sachant que la moitié des salariés pourrait bien être concernée par la problématique de… la double aidance, dans un futur pas si lointain.
Les directions des ressources humaines, les managers, les dirigeants s’interrogeaient déjà sur les moyens de soulager la charge des aidants et de valoriser en interne leur engagement qui pouvait se révéler non une charge mais un sujet de fierté partagée au sein de leurs équipes. Et puis est venue la Covid-19, le confinement et le télétravail. Le maintien à domicile de la plupart des salariés, loin de constituer une facilité pour les aidants comme certains l’ont cru au début, s’est traduit au contraire par une difficulté supplémentaire. Le lieu de travail physique, souvent considéré par les aidants comme une sorte de soupape de sécurité leur permettant de contrebalancer une vie personnelle quelquefois lourde de soucis, a disparu, et avec lui leur fragile équilibre.
Il est aujourd’hui essentiel que l’entreprise prenne en compte cette situation dégradée vécue par les salariés aidants en télétravail. Comment organiser son temps entre les visioconférences et appels collectifs à répétition d’un côté et l’aide à apporter dans beaucoup d’actes de la vie quotidienne à la personne aidée de l’autre côté ? Un casse-tête qui devient vite un enfer, mal appréhendé par les services de ressources humaines, entièrement mobilisés par la réorganisation générale de l’entreprise face à la pandémie. Dans ce maelstrom sanitaire, économique, social et sociétal, où vie professionnelle et vie privée se retrouvent entremêlées, il ne faut pas qu’une fois de plus, les salariés aidants soient les grands oubliés de l’histoire.