Les personnes atteintes de la sclérose en plaques, sont, comme leurs proches et les associations de patients, en attente de nouvelles thérapies. Aujourd’hui, plusieurs projets de recherche et de développement suscitent des espoirs.
C’est la première cause de handicap sévère d’origine neurologique des jeunes adultes. Souvent diagnostiquée entre 25 et 35 ans, cette maladie chronique peut porter atteinte à toutes les fonctions du système nerveux central : sensibilité, vision, motricité, mémoire, parole... Elle affecte les individus dans leur vie personnelle et professionnelle à une période de l’existence où l’on construit son avenir. Elle touche 100 000 personnes en France et 2 500 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année.
Recevoir un diagnostic de sclérose en plaques et vivre avec cette maladie demande beaucoup de courage et de détermination. Car les conséquences peuvent être lourdes, non seulement pour les patients mais aussi pour leurs proches. Il faut accepter sa maladie et essayer de vivre le plus normalement possible tout en s’adaptant à ses symptômes.
Au-delà des traitements de fond, la prise en charge médicale passe par le soulagement des symptômes liés aux poussées avec des traitements non spécifiques, le soutien psychologique et la rééducation fonctionnelle. La prise en charge globale par des équipes pluridisciplinaires, souvent au sein de réseaux de santé dédiés, a permis d’améliorer la qualité de vie des patients.
Une maladie auto-immune neurodégénérative
Le plus souvent, au début, la SEP évolue par poussées, suivies de périodes de rémission durant lesquelles les symptômes disparaissent ; on parle de forme « rémittente ». Mais généralement, au bout de dix ou vingt ans, la maladie évolue vers une forme progressive : les symptômes s’installent et laissent des séquelles, qui peuvent s’aggraver et créer un handicap permanent, voire une perte d’autonomie. On parle alors de SEP « secondairement progressive ». Dans 10 à 15 % des cas, la maladie est d’emblée progressive et qualifiée de « progressive primaire » (1). La « secondairement progressive » elle-même est qualifiée soit d’ « active », quand elle connait le même cycle de rémissions et de reprises que la forme rémittente, soit de « non active », quand elle se rapproche de la « progressive primaire » par une évolution plus continue.
Maladie auto-immune, la SEP est causée par un dysfonctionnement du système immunitaire : celui-ci se met à attaquer la gaine protectrice des fibres nerveuses (myéline), qui joue un rôle important dans la transmission de l’influx nerveux. Parallèlement, la destruction de cette enveloppe va entraîner une neurodégénérescence. Les traitements visent donc à réduire l’agressivité du système immunitaire à l’égard du système nerveux : immunomodulateurs, peu toxiques et d’efficacité modérée, prescrits en première intention, ou immunosuppresseurs, utilisés en cas d’échec des premiers, mais dont le niveau de toxicité est plus élevé (2).
Au cours des dernières années, des progrès thérapeutiques considérables ont permis d’améliorer la vie des patients dans la forme rémittente de la maladie. Mais les médicaments ne permettent pas de la guérir, seulement de ralentir son évolution. Et il n’existe pas à ce jour de traitement de long terme capable de limiter l’évolution du handicap dans la phase progressive de la maladie, ni de solution pour régénérer les fibres nerveuses endommagées.
C’est pourquoi ces sujets constituent des axes majeurs de recherche. Car du côté des malades et de leur entourage, les attentes sont évidemment immenses. Les associations de patients, comme l’AFSEP, La Ligue française contre la sclérose en plaques, l’APF, Notre Sclérose ou l’UNISEP, sont mobilisées et particulièrement attentives à l’arrivée de nouveaux traitements. Or aujourd’hui, plusieurs projets pourraient amener des innovations de rupture.
L’IRM 7 Tesla : mieux comprendre la maladie
Les progrès attendus pourraient venir d’une nouvelle technologie d’imagerie médicale : l’IRM 7 Tesla. L’IRM (imagerie par résonance magnétique) est en effet le principal outil de diagnostic et de suivi de l’évolution de la SEP. Elle permet de visualiser les lésions dans le cerveau et la moelle épinière, qui forment des plaques – d’où le nom donné à la maladie.
Le nouveau scanner IRM 7 Tesla permet de générer des images d’une précision infra-millimétrique et donc d’obtenir des images du cerveau de haute résolution. Avec cette nouvelle technologie, il est possible d’analyser beaucoup plus finement la présence et le comportement de nombreuses molécules responsables du bon fonctionnement du cerveau et d’évaluer de façon beaucoup plus précise les anomalies du tissu nerveux chez les malades. L’IRM 7T est aussi précieux pour évaluer l’efficacité des traitements ou la remyélinisation.
Le scanner IRM 7T révèle de nouvelles nuances dans les zones endommagées et des marqueurs biologiques qui peuvent permettre aux chercheurs de mieux comprendre le processus de la maladie et aux médecins de mieux traiter les patients. L’IRM 7T a notamment permis de montrer que la SEP, considérée comme une maladie de la substance blanche du cerveau, s’accompagnait également de lésions de la substance grise, difficiles à identifier à l’IRM classique (3).
Alcam : nouvelle génération de thérapies ?
Autre piste d’espoir : les récents développements autour de la molécule Alcam (activated leukocyte cell adhesion molecule). Des chercheurs de l’université de Montréal ont démontré en 2019 que cette molécule adhère à la surface de certains lymphocytes B – impliqués dans l’attaque de la myéline – et facilite leur passage à travers la barrière hémato-encéphalique, qui protège normalement le système nerveux central des agressions. Ils ont également constaté que l’Alcam est exprimée de façon accrue chez les personnes atteintes de SEP et que cette expression est corrélée avec l’évolution de la maladie (4).
En bloquant l’Alcam, les chercheurs sont même parvenus à freiner la migration des lymphocytes B vers le système nerveux central, ce qui a eu pour effet de réduire la gravité de la maladie chez des souris. Les résultats de leurs travaux pourraient déboucher sur une nouvelle génération de thérapies. En ciblant uniquement la molécule Alcam, il serait en effet possible d’empêcher sélectivement l’entrée des lymphocytes B dans le cerveau, qui cause la progression de la maladie… Et ce, sans éliminer tous les lymphocytes B en circulation dans le sang, afin de préserver la protection du patient contre les infections.
Masitinib : un espoir pour les SEP progressives
Le masitinib, développé par la biotech française AB Science, s’annonce également comme un traitement prometteur. Il présente le double intérêt de s’attaquer aux deux formes progressives de la maladie – qui souffrent jusqu’ici d’un manque cruel de solutions thérapeutiques – et d’autoriser, compte tenu de sa toxicité limitée, des traitements de longue durée (supérieurs à dix ans), nécessaires à la prise en charge de cette maladie chronique – contrairement aux deux seuls médicaments enregistrés jusqu’ici pour ces formes de la SEP (5). Les résultats en seraient notamment attendus en matière de traitement de la forme « secondairement progressive, non active ».
Cet inhibiteur de kinases sélectif cible certaines cellules du système immunitaire (mastocytes et cellules microgliales) et inhibe ainsi l’activation du processus inflammatoire. Il génère également un effet neuroprotecteur et ralentit la neurodégénérescence. Unique dans son mode d’action, il pourrait très prochainement passer avec succès la phase 3 des tests cliniques, qui précède l’autorisation de mise sur le marché, pour les scléroses en plaques progressive primaire et secondairement progressive. Deux formes de la maladie où les patients sont quasiment orphelins de traitement.
AB Science a par ailleurs déjà publié pour le masitinib des résultats de phase 3 positifs pour la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et attend les résultats de son étude de phase 3 dans la maladie d’Alzheimer d’ici la fin du premier trimestre 2020.
La piste de la neurorégénération
La neurorégénération est aussi un concept qui suscite beaucoup d’espoirs. Jusqu’ici, la plupart des traitements enregistrés s’attaquent aux origines inflammatoires de la maladie, mais très peu possèdent des effets neuroprotecteurs. Deux médicaments en cours de développement, l’opicinumab (Biogene) et l’élézanumab (AbbVie), actuellement en phase 2 des essais cliniques, pourraient pallier ce manque car ils favoriseraient la régénération de la myéline et pourraient donc ralentir la neurodégénérescence.
Biogen a connu un premier échec dans un essai clinique de phase 2 avec son anticorps monoclonal opicinumab (anti-Lingo 1), qui vise à restaurer la myéline. Mais le géant américain a lancé un nouveau test de phase 2 avec des patients à un stade plus précoce de la maladie, chez lesquels les résultats ont été encourageants (6). La stratégie thérapeutique consisterait ici à bloquer une protéine membranaire de certaines cellules nerveuses appelée Lingo-1, qui inhibe la remyélinisation, afin de favoriser la régénération des tissus endommagés par la maladie.
De son côté, le groupe US AbbVie développe l’élézanumab, un autre anticorps monoclonal, dirigé contre la molécule de guidage répulsive RGMa, qui inhibe la myélinisation et la récupération fonctionnelle après un traumatisme ou une inflammation (7). Ce traitement serait donc susceptible de favoriser la remyélinisation, la régénération des cellules nerveuses et la neuroprotection.
Nouveaux médicaments
Le géant suisse Novartis a, lui, lancé en 2019 un nouveau médicament, le siponimod (Mayzent), homologué dans les formes rémittente et secondairement progressive de la SEP, dont il traite aussi bien les variantes active que non-active. Appartenant à la même catégorie que le fingolimod (Gilenya), ce produit est un inhibiteur des récepteurs S1P, que l’on retrouve à la surface des lymphocytes T et B, impliqués dans la formation des lésions nerveuses. En se liant à ces récepteurs, le siponimod prévient l’activation des cellules du système immunitaire et leur libération dans le cerveau et la moelle épinière.
L’étude clinique de phase 3 a montré que ce produit réduisait de façon significative, chez des patients ayant déjà un handicap avancé, le risque de progression du handicap à trois et six mois, ainsi que la perte de volume cérébral (8). Il pourrait retarder de quatre ans en moyenne le moment à partir duquel les patients ne peuvent plus se déplacer sans fauteuil roulant.
Novartis développe également un nouvel anticorps monoclonal, l’ofatumumab, pour lequel il a annoncé en septembre dernier des résultats positifs d’études cliniques de phases 1 et 2 (9). Le géant suisse a évoqué, chez les patients atteints de la forme rémittente de la SEP, un taux de rechute réduit de moitié et une baisse d’un tiers du risque de progression de la maladie.
(1) : https://www.ffn-neurologie.fr/grand-public/maladies/scl%C3%A9rose-en-plaques
(2) : https://afsep.fr/2011/11/23/quels-sont-les-traitements-existants/
(3) : https://trustmyscience.com/irm-7t-offre-nouvelles-perspectives-sclerose-en-plaques/
(4) : https://www.journaldemontreal.com/vers-un-nouveau-medicament-pour-traiter-la-sclerose-en-plaques
(6) : https://multiplesclerosisnewstoday.com/anti-lingo-1-opicinumab-for-rrms/
(7) : https://french.escoliosislumbar.info/pipeline-neuroregeneratif-pour-developper
(8) : https://www.sclerose-en-plaques.apf.asso.fr/spip.php?article1684