Certaines voix s’élèvent en France face à la lenteur de l’Europe dans le retard sur notre stratégie de vaccination, une des conditions clé pour retrouver une vie normale.
Les Américains et les Britanniques ont compris très tôt qu’il fallait investir pour financer la recherche de vaccins dans les laboratoires susceptibles de les mettre au point et de les produire rapidement. Ces financements leur donnaient bien naturellement un droit de priorité sur les livraisons futures des vaccins.
Si l’on s’applique à critiquer l’UE dans ce domaine il convient de rappeler que la santé ne fait pas partie des compétences de l’UE pour des raisons historiques qui sont de ne pas remettre en cause la souveraineté nationale (principe de subsidiarité, sic) - bien démodée aujourd’hui – mais encore et peut-être surtout du fait des politiques budgétaires restrictives dans certains pays-membres ou de décisions à courte vue des filières industrielles dans d’autres.
La soi-disant lourdeur des décisions communautaires
Sans attendre l’issue d’un débat institutionnel incertain sur ses responsabilités lorsqu’elle sort de ses prérogatives, l’UE a réalisé courageusement dès juin 2020 qu’il fallait agir vite alors même que personne ne s’attendait à ce que des vaccins soient disponibles avant le second semestre de 2021.
Dès le 17 juin la Commission a lancé un appel d’offres auprès des industriels les plus avancés dans leurs recherches alors que certains pays - dont le nôtre - étaient encore réticents. Réalisant l’urgence, les pays-membres ont autorisé le lancement de précommandes fermes de vaccins à SIX laboratoires, après 5 jours de réflexion seulement.
Sur les SIX – incluant SANOFI – trois - à ce jour - ont été en mesure de livrer des vaccins agréés, dont un américain produit en Suisse, un américain un peu allemand et un anglais.
C’était un pari comme aux courses et ce n’est pas forcément le favori qui a gagné.
Pour faire plus vite il aurait fallu bousculer - comme les Britanniques l’ont fait avec AstraZeneca - le processus d’autorisation en plaidant l’urgence. Qu’auraient pensé nos opinions si promptes à revendiquer le principe de précaution ? Qu’aurait-on dit en France ou ailleurs en Europe si l’on avait vacciné avec des vaccins, comme celui d’AstraZeneca, utilisés sans prendre toutes les précautions d’usage en Grande Bretagne, alors qu’on sait maintenant qu’il n’est vraiment efficace que pour les moins de 65 ans ? On peut se rassurer à juste titre en arguant qu’une course se gagne sur la distance.
Une approche désordonnée et souveraine de chaque Etat-membre - ou même de chaque Région - pour s’approvisionner aux dépens des autres aurait conduit à une guerre des livraisons avec des avantages indus aux plus puissants aux dépens des plus petits.
D’autant plus que personne ne peut contester qu’en groupant les commandes l’UE a pu peser sur ses fournisseurs et obtenir de meilleurs prix.
Le point faible de la production et de la logistique
Il est indéniable que la production et la réfrigération de masse de telles quantités de vaccin étaient un défi auquel l’UE n’était pas préparée. Les Etats livrés à eux-mêmes auraient-ils fait mieux avec les mêmes garanties pour les vaccinés que celles offertes par l’Agence Européenne du Médicament ? On peut en douter étant donné l’état de délabrement de la production de médicaments dans certains pays-membres.
Apprendre à monter les volumes et à mettre en place de nouvelles chaines d’approvisionnement, d’achat de matières premières et de gestion de la sous-traitance, tout en respectant les contrôles de qualité, est toujours difficile.
Le 15 décembre 2020 l’UE a commandé très rapidement 100 millions de nouvelles doses à Pfizer et 80 millions à Moderna. Elle a fait de même avec AstraZeneca qui avait déjà livré toute sa production à son financeur au top de la pandémie. De nouvelles commandes ont été effectuées en janvier avec Pfizer et BioNTech pour la livraison de 300 millions de doses supplémentaires portant à 600 millions ses commandes potentielles. Idem avec Moderna dont la Commission a réservé 160 millions de doses. Avec l’ensemble de ces commandes, l’Europe a désormais sécurisé l’achat de suffisamment de doses pour vacciner 380 millions d’Européens, soit 80 % de la population.
L’UE a tenté de bloquer les livraisons hors UE et s’est attiré les foudres de l’OMS qui aurait fait la même chose si des Etats s’étaient avisés de procéder ainsi - sans avoir investi au préalable.
Le patron de Valneva a eu raison de dire que l’UE a lancé ses commandes un peu tard. Mais qui le demandait à l’UE à l’époque ? Certainement pas la plupart des partis politiques français qui n’avaient rien anticipé du tout et se contentaient de critiquer. De toutes façons, n’ayant pas massivement investi, l’UE n’aurait bénéficié d’aucune priorité de livraison.
D’autre part a-t-on tout dit à l’UE ? Les gendarmes de la concurrence de Bruxelles ne sont pas toujours les meilleurs amis des grands patrons de l’industrie.
Plutôt que ces critiques injustifiées et parfois cruelles, rappelons que le retard technologique de certains pays-membres - dont la France - dans le développement de tous types de vaccins ou la production de vaccins de type ARN Messager, de réactifs et même de flacons (la liste est longue) est à l’origine de nos maux. En la matière la Commission n’y est pour rien !
L’avenir nous dira si la confiance excessive – en France en particulier - dans le vaccin-maison de SANOFI et dans le recours aux commandes locales ne sont pas les causes de la timidité des premières commandes européennes de l’UE.
Par ailleurs, nous estimons que l’Europe nous a plutôt grâce à sa réactivité épargné une bérézina dès la fin du printemps en prenant des initiatives, notamment pour accompagner les états dans la gestion de cette crise et dans la vaccination.
Les leçons à retenir de cette crise.
Elles résident notamment dans le sous-investissement dans l’industrie pharmaceutique dans certains pays européens. Il faut les aider et leur attribuer plus de financements. Il faut aussi créer une véritable pharmacie européenne pour les produits essentiels comme certains antibiotiques ou anti-douleurs, comme le suggère la député centriste membre du PPE Nathalie Colin et auteur d’un rapport sur les pénuries de médicaments en 2020.
La création sous l’égide de l’UE d’un Centre Européen d’Anticipation des Risques Sanitaires et Epidémiques doté de moyens est aussi à envisager.
Enfin, le manque de compétences industrielles et logistiques des « politiques » de la Commission est évident. La compétence « Achats » ne permet de traiter qu’une partie du problème. Après, il faut produire et livrer « just in time ».