Notices des médicaments : deviendront-elles totalement digitales ?

Une réforme européenne pourrait faire évoluer la manière dont les patients accèdent aux informations sur leurs traitements. Le débat autour du maintien de la notice papier dans les boîtes de médicaments met en lumière des enjeux techniques, éthiques et sanitaires.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 11 avril 2025 à 15h40
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Le 11 avril 2025, plusieurs associations de consommateurs ont publié une lettre ouverte pour alerter sur les conséquences d’une réforme portée par la Commission européenne. Celle-ci envisage, dans le cadre de la refonte du cadre pharmaceutique de l’Union, une dématérialisation partielle ou totale des notices d’information figurant dans les boîtes de médicaments. Cette évolution, présentée comme une modernisation du secteur, suscite des interrogations dans le monde de la santé, notamment quant à l’accès universel à l’information thérapeutique.

Un contexte de réforme législative à l’échelle européenne

La proposition de suppression des notices papier s’inscrit dans une refonte plus large de la législation pharmaceutique européenne. Ce « paquet pharmaceutique », présenté par la Commission en avril 2023, vise à améliorer l’accessibilité des médicaments, à renforcer la compétitivité de l’industrie pharmaceutique et à intégrer les enjeux environnementaux et numériques.

Dans ce cadre, le recours exclusif à des notices électroniques est envisagé pour certaines classes de médicaments, notamment ceux soumis à prescription. Les informations seraient accessibles via un QR code apposé sur la boîte, redirigeant vers une notice en ligne régulièrement mise à jour.

Arguments en faveur de la dématérialisation

Les promoteurs de cette mesure, notamment les représentants de l’industrie pharmaceutique, mettent en avant plusieurs bénéfices. Sur le plan technique, une notice numérique permettrait une actualisation rapide des données, y compris en cas de nouvelles contre-indications ou d’évolution du profil de sécurité d’un produit. Elle offrirait également une meilleure lisibilité grâce à des options de personnalisation (taille des caractères, langue de lecture).

Sur le plan logistique, la dématérialisation faciliterait la fabrication et la distribution, en rendant les boîtes multilingues utilisables dans plusieurs pays européens, ce qui simplifierait la gestion des stocks. Enfin, l’argument écologique est également mobilisé : la suppression du papier réduirait l’usage des ressources naturelles et la production de déchets liés à l’impression.

Les enjeux d’accessibilité et d’égalité

Face à ces perspectives, plusieurs associations, dont UFC-Que Choisir, Familles rurales et la CLCV, ont exprimé leurs réserves. Leur principale inquiétude concerne l’égalité d’accès à l’information médicale. En effet, une partie de la population reste éloignée des outils numériques : personnes âgées, patients en situation de précarité, habitants de zones blanches ou de territoires mal desservis par le réseau mobile.

La lecture d’une notice constitue une étape essentielle pour comprendre le bon usage d’un médicament, ses effets secondaires, les précautions à prendre ou encore les interactions possibles. Pour ces publics, l’abandon du support papier pourrait représenter un obstacle réel à la bonne observance thérapeutique et à la sécurité des soins.

Une expérimentation française à venir

En France, une phase de test est prévue à l’automne 2025. Elle concernera environ une centaine de références médicamenteuses pour lesquelles la notice papier serait absente, remplacée par une version numérique. Cette expérimentation, supervisée par les autorités sanitaires, doit permettre d’évaluer l’impact d’un tel dispositif sur la qualité de l’information perçue par les patients et sur leur capacité à consulter les notices en ligne.

Les modalités d’évaluation, les critères de sélection des médicaments concernés et le cadre juridique de l’expérimentation sont encore en discussion à l’heure actuelle. Le ministère de la Santé précise qu’un retour d’expérience sera indispensable avant toute décision de généralisation.

Une démarche en construction

Le débat sur la dématérialisation des notices reflète une tension plus large entre innovation technologique et équité en santé. S’il est admis que les outils numériques peuvent faciliter l’accès à une information médicale plus complète, leur généralisation impose de s’assurer qu’aucune population ne soit laissée de côté.

Dans cette optique, plusieurs voix plaident pour une approche hybride, dans laquelle la version numérique pourrait coexister avec le format papier, au moins pendant une période transitoire. L’objectif serait de garantir une accessibilité universelle tout en amorçant une modernisation encadrée de la communication thérapeutique.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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