L’impact du changement climatique s’étend désormais à un élément fondamental de la médecine moderne : la disponibilité et la sécurité du sang. Une étude récente examine les risques systémiques pour les chaînes d’approvisionnement transfusionnelles à l’échelle mondiale.
Sang : le réchauffement climatique menace son approvisionnement

Le 16 avril 2025, une étude parue dans The Lancet Planetary Health a mis en lumière une problématique émergente dans le champ de la santé publique : les effets du changement climatique sur l’approvisionnement en sang. Selon les auteurs, ce phénomène environnemental pourrait altérer durablement la capacité des systèmes de santé à assurer la collecte, la sécurité, le stockage et la distribution de produits sanguins. Cette analyse s’appuie sur une revue complète de la littérature scientifique et intègre des données issues de cas concrets observés en Australie.
Des chaînes de transfusion exposées à de multiples perturbations
Le sang est un produit médical stratégique, soumis à des exigences logistiques spécifiques. Il possède une durée de conservation limitée, nécessite une chaîne du froid rigoureuse et dépend d’une organisation territoriale stable pour sa collecte et sa distribution. Or, selon les chercheurs de l’Université de la Sunshine Coast et de l’Australian Red Cross Lifeblood, le réchauffement climatique compromet progressivement ces maillons essentiels.
Le Dr Elvina Viennet, co-autrice de l’étude, explique : « À mesure que les catastrophes naturelles s’intensifient, que les modèles de maladies évoluent et que les défis sanitaires s’amplifient, l’étude souligne la nécessité d’une action urgente pour construire un système d’approvisionnement en sang plus résilient et adaptable. ».
Les événements météorologiques extrêmes tels que les cyclones, les inondations, les feux de forêt ou les vagues de chaleur peuvent entraîner des fermetures de centres de dons, perturber la chaîne de transport et réduire temporairement l’offre disponible. En février, en Australie, l’ex-cyclone tropical Alfred a provoqué la fermeture de 22 centres de collecte pendant plusieurs jours, entraînant l’annulation de plus de 3 500 rendez-vous. Un événement inédit qui souligne la vulnérabilité du système. « Nous en avons fait l’expérience récemment avec l’ex-cyclone tropical Alfred en Australie, lorsqu’un événement météorologique extrême a, pour la première fois, réduit drastiquement les réserves nationales de sang. ».
Les maladies vectorielles en expansion, un risque pour la sécurité du sang
Outre les difficultés logistiques, le changement climatique modifie les conditions épidémiologiques dans de nombreuses régions. L’augmentation des températures et des précipitations favorise la propagation de maladies vectorielles telles que la dengue, le virus du Nil occidental ou le paludisme. Ces pathologies, susceptibles d’être transmises par transfusion, imposent un renforcement des mesures de dépistage et réduisent le nombre de donneurs éligibles.
Le Dr Helen Faddy, professeure associée à l’Université de la Sunshine Coast, précise : « Des prévisions faisant état d’une augmentation des précipitations et des températures dans certaines régions, notamment en Australie, pourraient intensifier les maladies transmises par les moustiques telles que la dengue, le virus du Nil occidental et le paludisme. ».
Cette évolution accroît aussi la demande en produits sanguins, notamment dans le traitement de certaines complications infectieuses ou hématologiques, comme dans les cas de drépanocytose ou de maladies cardiovasculaires.
Une population donneuse sous tension
Le changement climatique affecte également la santé des donneurs et leur capacité à se mobiliser. La déshydratation, les troubles de la pression artérielle, l’asthme ou la détresse psychologique liée à l’anxiété climatique sont autant de facteurs susceptibles d’entraîner une inéligibilité temporaire ou permanente. Cela constitue un enjeu majeur dans un contexte où la population donneuse reste déjà très minoritaire.
Le Dr Viennet rappelle que « moins de 3 % de la population donnent leur sang », un chiffre stable depuis plusieurs années. Cette proportion pourrait encore diminuer dans les régions les plus exposées aux effets climatiques extrêmes.
Par ailleurs, l’augmentation des migrations climatiques complique l’identification de donneurs compatibles sur le plan immuno-hématologique. Le Dr Faddy souligne : « Il est essentiel d’avoir davantage de donneurs issus de divers horizons ethniques et d’augmenter le nombre de personnes qui donnent leur sang. ».
Des stratégies adaptatives pour renforcer la résilience
Face à ces multiples risques, les auteurs de l’étude appellent à une adaptation rapide des dispositifs de collecte et de distribution. Ils recommandent notamment la mise en place de systèmes d’alerte épidémiologique, la révision des critères d’éligibilité au don, et le développement d’outils logistiques innovants pour garantir la continuité de l’approvisionnement.
Des solutions techniques sont déjà à l’étude ou en cours de déploiement. Il s’agit notamment du transport de produits sanguins par drones, de l’utilisation de techniques de récupération cellulaire en bloc opératoire ou encore de la mise en place de banques de sang mobiles. Le Dr Faddy résume : « Les innovations mondiales récentes incluent les techniques de récupération de cellules pendant les interventions chirurgicales, l’utilisation de drones pour transporter le sang lorsque les autres moyens de transport sont perturbés, et les banques de sang mobiles, qui collectent les dons sur les lieux des crises. ».